Mathilde-Hasnae M.
En passant sur Henri-Bourassa vers l’est, j’avais vu du coin de l’œil dans le parc Pilon des structures aux charpentes vides. Leurs toitures étaient partiellement recouvertes de ce qui m’a paru être de la tôle récupérée de vieilles granges. À mon retour, je suis passé par le parc. J’y ai lu une affiche annonçant pour trois samedi « le Marché du nord ».
Le samedi suivant, un petit marché était effectivement abrité par ces constructions éphémères. Il s’agit d’une première expérience qui devrait être renouvelée.
Il y avait aussi sur le même terrain sous de modestes chapiteaux de toiles une activité parallèle. Curieux de savoir de quoi il s’agissait, j’ai approché deux dames au kiosque de l’Accorderie de Montréal-Nord, Mathilde-Hasnae et Isabelle. Elles m’ont expliqué qu’il s’agissait de la Place de l’engagement, un regroupement annuel d’organismes communautaires qui coopèrent entre eux dans Montréal-Nord. Cet évènement s’est joint au Marché du Nord cette année afin d’éviter une dispersion des visiteurs potentiels. Comme elles étaient sur place pour rejoindre les gens, j’ai seulement pris le temps de faire quelques photos. Nous avons convenu que je rencontrerais Mathilde un autre jour aux bureaux de l’Accorderie dans l’Îlot Pelletier.
C’est donc un lundi en fin d’après-midi que Mathilde m’a reçu. Elle m’a d’abord fait visiter les bureaux de l’Accorderie et le local de son groupe d’achat alimentaire, puis le jardin collectif de l’ensemble résidentiel Îlot Pelletier.
Elle est née d’un père marocain et d’une mère française à Libourne, dans le sud-ouest de la France, près de Bordeaux. Elle a d’abord fait un bac en Géographie à Bordeaux, avec un stage à Plymouth dans le sud de l’Angleterre. En suivant ce programme, elle a constaté que c’était les questions de développement communautaire et de coopération internationale qui l’intéressaient le plus. Elle a donc fait à Paris une Maitrise en Développement local. Dans le cadre de ses études, elle a fait un stage au Maroc avec un organisme qui visant à favoriser la scolarisation des filles dans leur milieu, en trouvant les ressources pour contribuer à la construction des écoles où l’enseignement serait dispensé par des professeurs locaux.
C’est pour rejoindre son chum de l’époque, déjà arrivé à Montréal pour y faire ses études, qu’elle est arrivée ici il y a trois ans. C’est un peu aussi parce qu’elle constatait que ses amis et collègues d’études en France ne trouvaient dans le secteur communautaire que des boulots précaires. Arrivée ici avec un permis vacances-travail d’un an, elle a tout d’abord fait un stage de 5 mois à l’Union Française, où elle organisait des activités culturelles pour les nouveaux arrivants. Par la suite, elle a déniché son poste actuel d’animatrice à l’Accorderie, qui est tout à fait dans son champ de compétence. De programme en programme, il lui a été possible de continuer ses démarches d’immigration à partir de Montréal.
Même si, comme tous les immigrants, elle a par moments le mal du pays, elle croit être au Québec pour y rester. Elle aime bien les rapports entre les gens ici. Arrivée à Montréal en janvier, ce n’est pas l’hiver qui lui fait peur. Il faut dire que la neige est pour bien des gens plus agréable que la grisaille sombre et humide de Paris en janvier. Elle s’est d’ailleurs mise au ski de fond et à la raquette. Ce qu’elle aime moins du Québec, c’est l’esprit trop consensuel qui y règne, rendant difficile toute contestation. Elle trouve aussi inadmissibles les difficultés auxquelles il faut faire face ici pour rencontrer un médecin. Difficile de contester qu’il y a un problème majeur de ce côté.
Musicienne de cœur, elle a joué du saxophone plusieurs années et aime la musique soul. Aujourd’hui, elle participe avec enthousiasme à une chorale dans Villeray, « La clique vocale ». Cette chorale venait d’ailleurs tout récemment de chanter au souper-spectacle-bénéfice pour l’Accorderie de MontréalMercier-Hochelaga Maisonneuve.
À l’Accorderie, elle partage son temps entre Montréal-Nord et Hochelaga. Cet organisme vise à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Il met en place un réseau d’échange entre individus qui utilisent le temps comme valeur d’échange. Elle-même participante, Mathilde peut, par exemple, faire une heure de ménage chez une dame qui lui offrira en retour une heure de cours de chant. Les échanges ne sont pas nécessairement bilatéraux. Le système de pointage lui permettrait en effet de faire le ménage chez une autre personne, mais d’utiliser ses heures chez la prof de chant.
Parmi les activités de l’Accorderie, il y aussi des échanges collectifs, par exemple des groupes d’achat de produits alimentaires. Dans Hochelaga, il y a un programme de prêt d’ordinateurs portables.