Miguel A.
Miguel est l’âme dirigeante et l’un des fondateurs du Centre Scalabrini pour Réfugiés et Immigrants. Comme les gens qu’il aide aujourd’hui, il est arrivé au milieu des années 80 à Québec, dans le quartier St-Sacrement, comme réfugié. Ce n’était cependant pas son premier contact avec le Canada. Il avait participé à un programme d’échange étudiant parrainé par Jeunesse Canada Monde en 1975. Ce séjour de 6 mois lui avait fait connaitre Ottawa, Toronto et Drummondville.
Il est arrivé avec son épouse, enceinte d’un garçon qui naitra à Québec, et ses deux fils ainés. La première chose qu’il a dû faire en arrivant fut d’apprendre le français au COFI local. Ayant notamment été travailleur social au Salvador, il fut ensuite en mesure d’agir comme interprète de l’espagnol au français au bénéfice de nouveaux arrivants. S’intégrant bien à son milieu, il devint directeur du Centre Multiethnique de Québec, connu à l’époque comme la Fraternité Multiculturelle de Québec.
Pendant ce temps, d’autres membres de sa famille et de celle de son épouse les ont rejoints au Québec. Ils se sont cependant installés à Montréal. Miguel et sa famille les ont donc suivis ici. Provenant de la principale ville portuaire du Salvador, Acajutla, il avait de l’expérience dans le commerce et les questions douanières. Il se dénicha ici un emploi de directeur des importations au sein d’un organisme qui souhaitait développer le commerce de café équitable avec Haïti. L’entreprise ne subsista malheureusement pas longtemps. Après des études aux HEC, il travailla à la Confédération Desjardins en comptabilité pendant quelques années.
À la suite d’une restructuration qui lui coûta son poste, la famille fit un détour par Vancouver, où il travailla comme directeur du Hispanic Community Center. L’appel de la famille les ramena cependant tous à Montréal, au début des années 2000.
À son retour, il œuvra comme bénévole à l’église Notre-Dame de Pompéi sur Sauvé à l’intersection du boulevard St-Michel. Il y recevait initialement deux fois par semaine des réfugiés et immigrants hispaniques, haïtiens et africains qui demandaient de l’aide à la paroisse pour passer à travers les processus d’immigration. Les missionnaires scalabriniens, un ordre religieux fondé par Giovanni Baptista Scalabrini, père des migrants, ont constaté que les besoins grandissaient bien vite. Ils ont donc acheté l’église Sante Rita pour en faire un centre d’aide laïc et indépendant. Les premiers mois furent consacrés à rafraichir cette église inutilisée qui avait bien besoin d’être réaménagée.
Miguel devint alors directeur d’une petite équipe déterminée qui animait, avec un groupe de bénévoles, cet organisme sans but lucratif. Il a aujourd’hui deux collaboratrices à temps plein, Mélissa et Edilse. À ses débuts, le centre offrait de l’hébergement à des hommes dans quatre chambres. Il est cependant rapidement apparu qu’il y avait un plus grand manque de ressources pour les femmes. Aujourd’hui, le Centre compte dix chambres réservées aux femmes. Offrant des services juridiques, des services de traduction et une petite friperie aux nouveaux arrivants, le centre a aussi ouvert ses portes à la communauté environnante. Il met une salle d’informatique à disposition du public et offre des cours de langues à tous les adultes. Des activités de loisirs s’y donnent également en collaboration avec les Loisirs Sophie-Barat. Il y a cet automne des cours d’anglais pour les moins de 5 ans, des cours de ballet et de théâtre pour les écoliers et de Zumba pour les ados. L’ancienne salle paroissiale peut être louée. L’école Fernand-Seguin se sert ainsi de ces locaux pour ses activités d’aide aux devoirs.
Le Centre Scalabrini pour Réfugiées et Immigrants compte parmi les partenaires qui se préparent à accueillir des réfugiés syriens à Montréal. Au moment de notre rencontre, Miguel venait d’ailleurs de participer à des réunions à ce sujet regroupant la ministre concernée, des organismes sociaux et des communautés religieuses.
Bien qu’il ne s’y donne plus de messes hormis quelques occasions spéciales, l’église est ouverte à tous pour la prière. Une petite chapelle y est dédiée au culte de Sainte-Rita, Sainte de l’Impossible et patronne des causes désespérées, dans laquelle un groupe de Syriens se rencontre déjà chaque semaine.
L’essentiel de la famille est aujourd’hui québécoise et de plus en plus multiculturelle par les épouses et compagnes de ses fils. Aussi, lorsque je lui ai demandé s’il songeait parfois à retourner au Salvador, il m’a répondu : « Non, je m’y sentirais comme un immigrant dans mon propre pays. Je préfère donc rester chez moi au Québec. »