Ahmed B.

Au début de décembre, j’ai assisté au lancement public de la Société d’Histoire d’Ahuntsic-Cartierville (SHAC), une activité qui se terminait par une visite guidée du secteur industriel Chabanel. C’est à la suite de cet événement que j’ai pris contact avec Ahmed, un des administrateurs de cet organisme sans but lucratif récemment constitué. Je l’ai revu plus tard chez lui à Cartierville. Il m’a offert le thé et nous avons conversé.

Ahmed est originaire d’Agadir, au Maroc. Cette région de culture berbéro-arabe est depuis longtemps un centre agricole et un port de pêche. Elle tend cependant à devenir une destination touristique importante. Sa famille y vivait du commerce.

Il a entamé, en français, des études en Sciences économiques à Rabat, la capitale du Maroc, où sa famille s’est installée dans les années 70. C’est de là qu’il a fait ses démarches pour venir au Canada. Il est arrivé à Montréal en février 2002, célibataire, avec le statut d’immigrant reçu, puis a complété un bac en Sciences comptables à l’UQAM.

Au cours de ses études, il a pris part à des activités bénévoles au sein de cette université. Il a ainsi participé à l’organisation d’une semaine interculturelle avec le Service de la vie étudiante, le Centre d’écoute et de référence et les associations du campus de l’UQAM. Il a aussi contribué de son tempsen tant que responsable des relations publiques au sein du Club d’Entrepreneurs étudiants (CEE-UQAM) entre 2004 et 2005. Il a pris goût au bénévolat, un concept qui n’était pas assez développé et structuré au Maroc dans sa jeunesse selon lui. Ses années d’études lui ont aussi permis de se faire un réseau d’amis.

Bien qu’il se soit plu à Montréal, il est ensuite retourné quelques années au Maroc. Il y a travaillé dans l’entreprise familiale à Rabat, une quincaillerie générale. Pendant ce séjour de quelques années, il a épousé Aïcha, une connaissance de son enfance. Leurs deux premiers enfants y sont nés, une fille, puis un garçon.

Comme il avait conservé le gout de la vie ici, il est revenu à Montréal en 2011 et a fait les démarches nécessaires pour qu’Aïcha et les enfants puissent venir le rejoindre. Si les enfants, de par sa paternité sont d’office des citoyens Canadiens, il faudra encore deux ans avant qu’Aicha obtienne sa résidence. Comme les époux ont maintenant un second fils, Aïcha poursuit tranquillement ses cours de francisation, tout en veillant sur les trois jeunes enfants.

L’ainée, qui est en première année, vient de recevoir, à la conclusion de son premier semestre, une mention comme première de classe. Ahmed est fier des débuts scolaires de sa fille et l’imagine déjà poursuivant ses études au secondaire dans une école offrant un programme international, dans le nord de la ville ou sur le plateau Mont-Royal. Pour leur part, ses deux fils commencent leurs premiers pas dans une garderie proche de leur demeure.

En discutant avec lui de son parcours professionnel, j’ai appris qu’ilavait tout d’abord occupé un emploi comme technicien en trésorerie pendant un an et demi jusqu’à ce que l’entreprise fasse d’importantes mises à pied. Je me suis ensuite rendu compte que je l’avais probablement déjà rencontré chez son employeur actuel. Il travaille en effet de manière périodique pour la firme comptable à laquelle je confie depuis quelques années mes déclarations fiscales. C’est d’ailleurs Benoit, son employeur qu’il considère comme un excellent patron, qui l’a référé à Cité Historia, où il a travaillé pendant l’été.

Dans ses temps libres, Ahmed pratique le Taekwondo au Centre Communautaire Laurentien. Il y a récemment obtenu sa ceinture noire, ce qui lui permettra d’enseigneraux enfants la pratique de cet art martial sous la supervision de deux maîtres canadiens d’origine marocaine : Ahmed Laout, ceinture noire 7ème Dan au Taekwondo, avec une formation universitaire en résolution de conflits et communication non violente, et Mohamed Loutfi, ceinture noire 6ème Dan au Taekwondo, sociologue et intervenant psychosocial. Ces maîtres enseignent dans ce centre fréquenté par la communauté musulmane de Cartierville et Saint-Laurent, mais aussi à une clientèle très différente à l’Association sportive et communautaire du Centre-Sud. Il apprécie leurs méthodes d’enseignement qui combinent la pratique de cet art martial à des périodes d’animation, de divertissement et de maitrise de soi. Il m’a affirmé qu’il en tire des enseignements pour ses activités avec ses propres enfants. Depuis peu, sa fille y suit d’ailleurs des cours destinés aux jeunes de son âge.

S’il suit avec intérêt l’évolution de la situation à Cité Historia, un organisme muséal dont la direction procède à sa restructuration, Ahmed demeure à  la recherche d’un emploi offrant une meilleure permanence. Il songe aussi à entreprendre des études de deuxième cycle universitaire afin d’obtenir son statut de membre de l’ordre des comptables professionnels agréés (CPA).

Ahmed m’a confié que l’immigration au Canada, « c’est personnel pour chaque immigrant ». Devant un écueil, certains rebroussent chemin, alors que d’autres en tirent de l’expérience pour persévérer sur leur voie.

Abdel B.

Cet homme qui fait griller des saucisses un peu à l’écart de la table à pique-nique pour ne pas enfumer ses convives se nomme Abdel. Il ne souhaitait pas se faire photographier, mais était disposé à faire un brin de causette avec moi. Un blogue photo étant un peu tristounet sans cliché, nous avons donc trouvé un terrain d’entente qui se traduit par cette pose de dos.

C’est en gardant un œil sur les grillades et en servant ses amis qu’il m’a accordé quelques instants. Il ne fallait surtout pas que le lunch brûle!

Abdel est né au Maroc, dans la région de Marrakech. Il est arrivé au Canada dans la vingtaine avancée avec une maitrise en droit. Arrivé ici avec un visa d’étudiant, il a poursuivi ses études le temps de régulariser sa demande d’immigration et de se rendre compte qu’il lui serait difficile de pratiquer ici. Son champ de compétence était le droit des affaires.

Il a donc travaillé en cuisine pendant plusieurs années dans des restaurants de tradition culinaire européenne. Ces emplois étant cependant assez difficiles pour la santé, il est graduellement revenu à ses intérêts originaux. Il conseille aujourd’hui des candidats à l’immigration.

Abdel aura bientôt passé la moitié de sa vie à Montréal. C’est sur cette île qu’il a rencontré son épouse, elle aussi d’origine Marocaine. Leurs enfants sont nés ici. Si, comme bien des nouveaux arrivants, il a initialement habité dans Côte-des-Neiges, la famille vit aujourd’hui dans St-Laurent, où réside également une bonne partie de la communauté nord-africaine. La possibilité de trouver du logement dans une coopérative d’habitation a aussi été un facteur important dans le choix de ce quartier.

C’est en mangeant un sandwich à la saucisse grillée gracieuseté d’Abdel que j’ai quitté le Parc Raimbault, où tourbillonnait la fumée des barbecues par ce beau dimanche de fin d’été.

Abdel B. au Parc Raimbault