Mercedez S.-B. et Michel S.

C’est en participant à une journée de co-design pour la future bibliothèque Inter arrondissement aux limites de Montréal-Nord et d’Ahuntsic-Cartierville que j’ai fait la rencontre d’Eva Mercedes, plus familièrement connue comme Meche. Cette bibliothèque devrait ouvrir en 2020 sur le Boulevard Henri-Bourassa à l’ouest de St-Michel. Un groupe varié comprenant des citoyens, des bibliothécaires et des acteurs des milieux culturels et communautaires étaient rassemblés pour réfléchir à ce nouveau projet. Meche y était à l’invitation du Café de Da.

Quelques semaines plus tard, j’ai reçu un courriel m’offrant de rencontrer sa famille chez elle, à Ahuntsic, dans le cadre de mon projet quartiersnord.photos. Comment refuser une invitation pareille? C’est ainsi que j’ai aussi fait connaissance avec son conjoint Michel, leurs filles Amélie et Adriana, et de Pelusa leur chienne, qui nous ont chaleureusement reçus, mon épouse et moi.

Meche est originaire de Lima au Pérou, plus précisément du district Rímac, sur les rives de la rivière du même nom. Michel est pour sa part natif de la paroisse de Notre-Dame de Jacques-Cartier dans la basse ville de Québec, où l’ancienne église locale, rue Caron, abrite aujourd’hui une coopérative de solidarité sociale. C’est au Pérou qu’elle et Michel se sont connus au cours d’une soirée chez des amis communs. Michel se rappelle de la date : le 14 novembre 1987. À cette époque, Michel travaillait en coopération au Pérou.

Plus tard le couple rentre à Québec. Ils y ont habité plusieurs années. Les filles y sont nées. Meche y a fait de la radio communautaire à l’antenne de Radio Basse Ville. C’est là qu’elle a connu sa première bonne amie à Québec, Myriam Gauthier, avec laquelle elle animait une émission d’information sociale et politique sur les pays de l’Amérique latine. Par la suite, elle a animé, l’espace d’un été, une émission avec son conjoint consacrée aux musiques latino-américaines et intitulée «Buscando América», un titre inspiré d’une chanson du chanteur panaméen Ruben Blades. 

Meche m’a raconté l’étonnement de Myriam lorsqu’elle a invité cette dernière à emménager avec elle et Michel alors qu’elles se connaissaient à peine. Cette disposition à l’accueil semble d’ailleurs commune en Amérique Latine. Plusieurs nouveaux arrivants m’ont en effet dit avoir été surpris de devoir attendre des invitations explicites pour visiter leurs amis québécois, alors qu’ils entraient sans frapper chez leurs amis et voisins dans leurs contrées d’origine.

En outre, parmi les choses qui lui manquent le plus ici, elle cite les musiques et les danses du Pérou : huyano, festejo, marinera norteña. Elle souligne que ces danses sont encore pratiquées par les jeunes générations péruviennes. Ici, tout cela devient du folklore pour quelques amateurs.

Parallèlement à des études en Communication publique au Pérou, Meche avait appris le français à l’Alliance française. À Québec, elle a complété un Certificat en français langue seconde et un en Littérature française, puis une Maîtrise en communication à l’Université Laval. Ceci lui a permis d’être pigiste au secteur hispanique de RDI- Radio Canada International.

En 2001, la famille part pour le Pérou pour relever de nouveaux défis et pour que leurs filles connaissent la culture péruvienne. Ils y passent de bonnes années, travaillant de nouveau en coopération internationale, cette fois avec SUCO (dont l’acronyme veut aujourd’hui dire Solidarité, Union et Coopération). Les conjoints sont particulièrement fiers de leur participation à un projet favorisant l’autonomie économique de petits producteurs familiaux, dont bon nombre de femmes, dans les hauts plateaux andins, la Puna. Ils ont contribué à la mise en place d’un programme d’accompagnement des familles pour  l’amélioration de la production laitière, la transformation et la commercialisation de la production sur les marchés locaux.

Lorsque vient le temps des études supérieures pour les filles, Michel revient tout d’abord avec l’aînée, Amélie.  L’année suivante, c’est au tour de Meche et d’Adriana. Aujourd’hui, les jeunes filles étudient respectivement à l’UQAM et à Concordia. Elles sont non seulement trilingues, mais ont grandi dans deux cultures.

Michel travaille toujours comme chargé de programme pour SUCO à Montréal. Il va régulièrement à Haïti et au Pérou, où l’organisation soutient des projets de développement local, de production agroécologique, et d’entrepreneuriat rural.

Pour sa part, Meche a travaillé pour Oxfam-Québec à son retour. Depuis cet été, elle est cependant à la recherche d’un nouvel emploi. Elle est aussi conseillère en adoption bénévole à la SPCA.

S’ils sont installés dans Ahuntsic depuis quelques années — un quartier qu’ils sont encore à découvrir —, la question de leur lieu de résidence lorsque les filles voleront de leurs propres ailes ne me semble cependant pas tranchée. 

Mercedez, Amélie avec Pelusa, Michel et Adriana

Julie L.

Parmi les gens qu’on gagnerait à mieux connaitre, il y a nos voisins. Si je cause à l’occasion avec ses parents, Alain et Lucie, je savais bien peu de choses de Julie, sinon qu’elle n’a pas l’usage de ses jambes. C’est une amie, Danièle, qui a suivi mon projet Quartiersnord.photos cet été, qui m’a envoyé un petit courriel me suggérant de la rencontrer. Elle l’a connue au Centre Champagnat où elle a travaillé comme enseignante spécialisée. C’est à ce centre que Julie fait son cours secondaire.

Jeune adulte, elle y poursuit son apprentissage à son rythme. Ainsi, elle peut suivre des cours de différents niveaux selon les matières. Je croyais que Julie avait des difficultés à s’exprimer. En fait, si son élocution demande un peu d’attention, son français est excellent et elle exprime ses idées clairement. Le français est d’ailleurs sa matière préférée. Après l’obtention de son diplôme du secondaire, elle souhaite d’ailleurs  étudier au CEGEP en communications et se spécialiser dans les médias sociaux. Comme deuxième option, elle envisage aussi le travail social.

Elle sera prochainement conférencière au Cégep du Vieux Montréal dans un cours d’éducation spécialisée et représente souvent la Société pour les Enfants Handicapés dans des activités de levée de fonds.

Je l’avais croisée quelques fois dans la rue sur son fauteuil motorisé, lorsqu’elle sortait avec son accompagnatrice préférée et amie, Venyse. Elle se rend assez régulièrement au Petit Flore, un restaurant de la rue Fleury qui lui est facilement accessible, car il n’y a pas de marche à l’entrée. Elle y fait préalablement une réservation et Stéphanie, la patronne, qui l’a toujours bien reçue, lui fait préparer une table apte à l’accommoder.

Elle serait un peu craintive de se promener seule, vue l’état des chaussées et les dénivellations des trottoirs. Par contre, dans la mesure où il y a une station de métro avec un ascenseur dans les environs, Julie se promène un peu partout en ville lorsqu’elle en a l’occasion et qu’elle est accompagnée. Elle préfère les transports en commun aux transports adaptés, car elle s’y trouve plus en contrôle de ses horaires.  Elle a ainsi pu voir les feux d’artifice, visiter la Place Émilie Gamelin et comme toute jeune femme, certaines terrasses.

Plus jeune, elle a étudié à l’École Joseph-Charbonneau, qui accueille des jeunes avec des difficultés motrices sérieuses. Certains d’entre eux ont aussi des déficiences intellectuelles importantes. Alors qu’elle y était étudiante, elle a eu la possibilité de faire de la natation à la piscine de son école grâce à un programme d’Espace Multi-Soleil. Comme elle ne peut se mouvoir qu’avec ses bras, il lui faut de l’aide pour se maintenir à flot. C’est sur le dos qu’elle est le plus à l’aise dans l’eau. Elle m’a expliqué qu’à mesure qu’elle vieillirait, ses mouvements deviendraient plus difficiles. Pour le moment, elle suit des cours de Pilates à la maison. Elle partage la même professeure de M Studio Pilates sur la rue Fleury que sa mère, mais celle-ci adapte un programme aux capacités de Julie.

C’est à l’époque où elle était étudiante à Joseph-Charbonneau qu’elle a fait son plus grand voyage. Accompagnée de son père, elle s’est rendue en Bretagne avec son groupe scolaire. Ils y ont été reçus par des élèves d’une école de la région de Lorient et ont séjourné ensemble dans un camp de vacances à Concarneau.

À cette école, de même qu’au Centre Champagnat, les étudiants viennent de tout le Grand Montréal et même d’aussi loin que St-Jean-sur-Richelieu. Cela fait en sorte que la plupart de ses amis habitent en dehors du quartier. Malgré son handicap, elle a une bonne dextérité et peut taper sur un clavier d’ordinateur pour communiquer avec eux. Je lui ai dit à la blague qu’elle a probablement fait moins de fautes de frappe que moi dans sa vie. En fait, c’est fort probable. Vive les correcteurs de texte!

Elle apprécie beaucoup Ahuntsic où elle vit depuis son enfance, car elle s’y sent relativement autonome. Avec son fauteuil, elle a assez d’autonomie pour faire une balade jusqu’à la rivière. Il se peut donc qu’un jour vous la croisiez dans un parc ou sur la rue Fleury. S’il vous arrive de la rencontrer, prenez le temps de lui dire bonjour. C’est une fille bien sympathique, tout comme ses parents d’ailleurs!

Julie