L'incroyable histoire de l'Île de Montréal - un projet à mener à bien.
Ceux d’entre vous qui visiterons l’exposition « Toi, moi et Montréal-Nord » se demanderont peut-être ce que vient y faire la grande ébauche à l’acrylique sur papier intitulée « Pilote, comme son père ».
Il s’agit d'un travail pictural fait pour clarifier mes pensées dans le cadre du dépôt d’un projet pour l’événement an arts visuels et numérique pour le 375e anniversaire de Montréal « Une île, 19 plages – UN MILLION D’HORIZONS (1 x 19 = 1 000 000).
Bien que ma proposition n’ait pas été retenue, elle me tient à cœur et j’espère lui trouver une destination me permettant de la réaliser avec peu de modifications. Disons simplement que je me passerai facilement du 1 x 19... Comme vous le constaterez, elle rejoint, dans un autre mode, les préoccupations qui m’animent dans ma démarche photographique et mon projet quartiersnord.photos. J’y traite des mêmes questions d’identité, d’origine et d’appartenance ainsi que de notre vie communes d’insulaires montréalais. C'est à ce projet que je planchais au moment d'entreprendre la partie photographique de l’exposition ce qui a mené à quelques intrusions de ces éléments picturaux et iconographiques dans les photos que vous verrez.
Voici donc tel quel le texte de ce projet et quelques illustrations.
L’incroyable l’histoire de l’Île de Montréal
Je souhaite présenter dans le cadre d’UNE ÎLE, 19 PLAGES – UN MILLION D'HORIZONS (1 X 19 = 1 000 000) un projet alliant le singulier à l’universel. J’aimerais qu’il évoque le caractère insulaire de Montréal, sa naissance au confluent du St-Laurent et du bassin hydrographique de la rivière des Outaouais. Pour moi, c’est ce site stratégique qui fait de Montréal une cité naturellement cosmopolite, un lieu de croisement des civilisations au sein du Québec.
Pour ce faire, je vais revisiter un élément de mon patrimoine familial en enjolivant légèrement l’histoire d’un oncle de mon père, gardien d’un phare sur les battures du St-Laurent.
Les éléments visuels de ma proposition seront :
· Une chaloupe avec un mat et une voile simple nommée « Île de Montréal ».
· Cette chaloupe, à reconstruire à partir d’une chaloupe usagée d’environ 12 pieds (3,65 m.), aura une forme coudée évoquant celle de l’Île de Montréal.
· La chaloupe, avec son fond plat, représente les navires typiques du fleuve, tels que les goélettes, caboteurs et chalands, qui sont destinés à se rapprocher des rives par échouage sur les plages et donc dépourvus de quilles profondes.
· Sa voile portera 19 bandes horizontales de couleurs différentes. Neuf bandes colorées représenteront les arrondissements de Montréal existant en 2000 et dix bandes blanches, ceux des villes fusionnées depuis lors.
· Le mat sera doté d’un nid-de-pie. Il s’agit du poste d’observation permettant à la vigie d’observer un par un le million d’horizons de l’Île de Montréal.
· L’histoire ci-dessous pourra servir de base à des activités de médiation culturelle qui pourraient prendre la forme du conte.
L’histoire derrière cette chaloupe.
Mon père avait un oncle qui est encore célèbre aujourd’hui dans la famille Lebleu. Adolphe Lebleu était « lightman ». Il était gardien d’un phare sur les battures du fleuve. Il a occupé cette fonction pendant 36 ans, se rendant à son poste en chaloupe tous les jours de la saison de navigation pendant toutes ces années. Après sa retraite, il a profité de ses temps libres pour ajouter un mat à sa chaloupe afin de la gréer d’une voile.
Avec sa chaloupe ainsi modifiée, il se rendait occasionnellement aux abords de son phare. Un matin, alors qu’il doublait le bâtiment abritant les cornes de brume, par malheur, le vent tomba. Sa chaloupe était immobilisée sur les eaux étales lorsqu’un paquebot, mené par un capitaine téméraire qui croyait pouvoir se dispenser des services d’un pilote du fleuve, vint s’échouer sur la batture du phare. Se trouvant en plein sur la trajectoire du navire qui avançait maintenant à vitesse réduite sur la fin de son erre d’aller, la chaloupe fut emboutie et Adolphe se retrouva éjecté de son embarcation. Il s’en tira sain et sauf, mais en fut quitte pour une grande frayeur!
Adolphe ayant déclaré qu’on ne le reprendrait plus sur les eaux du fleuve, le jeune apprenti d’un pêcheur local se rendit sur place et récupéra les restes de la chaloupe afin de la reconstruire à son profit. Ce jeune homme, un nouveau Montréalais désargenté récemment arrivé par bateau des Pouilles, en Italie, se nommait Luigi. Comme la collision avait endommagé la chaloupe plus fortement du côté de l’impact, il manquait un peu de matériel à notre constructeur naval novice. Une fois la reconstruction terminée, l’embarcation de Luigi avait une étrange forme coudée.
Lorsqu’il se rendit sur la grève au petit matin pour la mettre à l’eau, d’autres pêcheurs se préparaient aussi à partir. L’ainé du groupe s’exclama à la ronde « Regardez, on dirait l’Île de Montréal! Ça marchera jamais c’t’affaire-là… »
C’est ainsi que la chaloupe de Luigi, baptisée à l’unanimité Île de Montréal, entra dans la légende du St-Laurent.