Le mot de la fin: lalo

Pour bien terminer mon projet « Toi, moi et Montréal-Nord », il me restait  un sujet à cœur. 

Permettez-moi de vous parler d’Emmanuel et de ces légumes.

Au début de l’été, lorsque je me suis rendu faire quelques portraits le jour de la Fête du drapeau Haïtien, j’ai fait sa rencontre. Lorsque je l’ai abordé pour lui demander la permission de faire une photo de lui il m’a demandé d’en prendre une de lui et de son partenaire avec leurs cartes d’affaire. Ce sont de jeunes entrepreneur qui ont eu une idée fort intéressante qui mérite d’être mieux connue. Ils ont loué un champ pour faire pousser des légumes appréciés dans la communauté haïtienne. Leur production, si comprends notamment des lalos et des okras mais aussi des épinards.

Leurs ressources étant modestes, vous n’avez probablement pas entendu parler de Relax Multi-Services. Si vous parlez créole, vous pouvez voir et écouter Manno dans son champ dans le petit clip ci-dessous.

Vous avez des amis haïtiens? Faites leur le message.

Je souhaite à ces deux jeunes hommes le succès avec leur projet.

RELAX MULTI-SERVICES 438-763-5225

Un clip qui m'as été transmis par Emmanuel de Relax Multi-service avec le message "Salut cest emmanuel voici mes recoltes des legumes pou ancourrage les haitien aime le quebec meci"

Emmanuel

Relax Multi-Services

L'incroyable histoire de l'Île de Montréal - un projet à mener à bien.

Ceux d’entre vous qui visiterons l’exposition « Toi, moi et Montréal-Nord » se demanderont peut-être ce que vient y faire la grande ébauche à l’acrylique sur papier intitulée « Pilote, comme son père ».

Il s’agit d'un travail pictural fait pour clarifier mes pensées dans le cadre du dépôt d’un projet pour l’événement an arts visuels et numérique pour le 375e anniversaire de Montréal « Une île, 19 plages – UN MILLION D’HORIZONS (1 x 19 = 1 000 000).  

Bien que ma proposition n’ait pas été retenue, elle me tient à cœur et j’espère lui trouver une destination me permettant de la réaliser avec peu de modifications. Disons simplement que je me passerai facilement du 1 x 19... Comme vous le constaterez, elle rejoint, dans un autre mode, les préoccupations qui m’animent dans ma démarche photographique et mon projet quartiersnord.photos. J’y traite des mêmes questions d’identité, d’origine et d’appartenance ainsi que de notre vie communes d’insulaires montréalais. C'est à ce projet que je planchais au moment d'entreprendre la partie photographique de l’exposition ce qui a mené à quelques intrusions de ces éléments picturaux et iconographiques dans les photos que vous verrez.

Voici donc tel quel le texte de ce projet et quelques illustrations.

L’incroyable l’histoire de l’Île de Montréal

Je souhaite présenter dans le cadre d’UNE ÎLE19 PLAGES – UN MILLION D'HORIZONS (1 X 19 = 1 000 000) un projet alliant le singulier à l’universel. J’aimerais qu’il évoque le caractère insulaire de Montréal, sa naissance au confluent du St-Laurent et du bassin hydrographique de la rivière des Outaouais. Pour moi, c’est ce site stratégique qui fait de Montréal une cité naturellement cosmopolite, un lieu de croisement des civilisations au sein du Québec.

Pour ce faire, je vais revisiter un élément de mon patrimoine familial en enjolivant légèrement l’histoire d’un oncle de mon père, gardien d’un phare sur les battures du St-Laurent.

Les éléments visuels de ma proposition seront :

·         Une chaloupe avec un mat et une voile simple nommée « Île de Montréal ».

·         Cette chaloupe, à reconstruire à partir d’une chaloupe usagée d’environ 12 pieds (3,65 m.), aura une forme coudée évoquant celle de l’Île de Montréal.

·         La chaloupe, avec son fond plat, représente les navires typiques du fleuve, tels que les goélettes, caboteurs et chalands, qui sont destinés à se rapprocher des rives par échouage sur les plages et donc dépourvus de quilles profondes.

·         Sa voile portera 19 bandes horizontales de couleurs différentes. Neuf bandes colorées représenteront les arrondissements de Montréal existant en 2000 et dix bandes blanches, ceux des villes fusionnées depuis lors.

·         Le mat sera doté d’un nid-de-pie. Il s’agit du poste d’observation permettant à la vigie d’observer un par un le million d’horizons de l’Île de Montréal.

·         L’histoire ci-dessous pourra servir de base à des activités de médiation culturelle qui pourraient prendre la forme du conte.

L’histoire derrière cette chaloupe.

Mon père avait un oncle qui est encore célèbre aujourd’hui dans la famille Lebleu. Adolphe Lebleu était « lightman ». Il était gardien d’un phare sur les battures du fleuve. Il a occupé cette fonction pendant 36 ans, se rendant à son poste en chaloupe tous les jours de la saison de navigation pendant toutes ces années. Après sa retraite, il a profité de ses temps libres pour ajouter un mat à sa chaloupe afin de la gréer d’une voile.

Avec sa chaloupe ainsi modifiée, il se rendait occasionnellement aux abords de son phare. Un matin, alors qu’il doublait le bâtiment abritant les cornes de brume, par malheur, le vent tomba. Sa chaloupe était immobilisée sur les eaux étales lorsqu’un paquebot, mené par un capitaine téméraire qui croyait pouvoir se dispenser des services d’un pilote du fleuve, vint s’échouer sur la batture du phare. Se trouvant  en plein sur la trajectoire du navire qui avançait maintenant à vitesse réduite sur la fin de son erre d’aller, la chaloupe fut emboutie et Adolphe se retrouva éjecté de son embarcation. Il s’en tira sain et sauf, mais en fut quitte pour une grande frayeur!

Adolphe ayant déclaré qu’on ne le reprendrait plus sur les eaux du fleuve, le jeune apprenti d’un pêcheur local se rendit sur place et récupéra les restes de la chaloupe afin de la reconstruire à son profit. Ce jeune homme, un nouveau Montréalais désargenté récemment arrivé par bateau des Pouilles, en Italie, se nommait Luigi. Comme la collision avait endommagé la chaloupe plus fortement du côté de l’impact, il manquait un peu de matériel à notre constructeur naval novice. Une fois la reconstruction terminée, l’embarcation de Luigi avait une étrange forme coudée.

Lorsqu’il se rendit sur la grève au petit matin pour la mettre à l’eau, d’autres pêcheurs se préparaient aussi à partir. L’ainé du groupe s’exclama à la ronde « Regardez, on dirait l’Île de Montréal! Ça marchera jamais c’t’affaire-là… »

C’est ainsi que la chaloupe de Luigi, baptisée à l’unanimité Île de Montréal, entra dans la légende du St-Laurent.

Pilote, comme son père. (détail, travail en chantier, acrylique sur papier)

Île de Montréal. Première ébauche, stylo sur papier bond.

Île de Montréal. Seconde ébauche, crayon de mine sur papier.

La véritable histoire d'Adolphe Lebleu. Article du journal Le Nouvelliste (Trois-Rivières, date indéterminée)

Pourquoi quartiersnord.photos

Tout simplement parce que dès mes premières photos numériques, j’ai pris l’habitude de classer les photos prises dans mon voisinage immédiat,  dans les quartiers environnants : Bordeaux, Cartierville, Vieux St-Laurent, St-Michel (à l’est de l’ancienne carrière Miron)  et Montréal-Nord dans un dossier intitulé « Quartiers Nord ».  Il faut dire que l’Autoroute Métropolitaine constitue une barrière sociale et géographique importante.

Le nom de ce site web provient donc simplement d’une méthode d’archivage! Lorsque j’ai constaté que j’avais, sans m’en rendre compte, accumulé un certain corpus de paysages urbains de ces secteurs de la ville, il m’a semblé tout naturel de les faire connaitre sous la même appellation.

Initialement, mes balades à vélo constituaient une activité de santé mentale, un espace de liberté d’agir et de penser pour le vendeur stressé que j’ai été pendant des années, jusqu’à ce que je puisse sauter hors du navire. La pratique de la photo en me déplaçant à vélo a beaucoup contribué à développer mon sens de l’observation. Essayez pour voir de revenir en arrière en pleine ville en voiture pour examiner de plus près le petit détail que vous avez aperçu du coin de l’œil! Même à vélo, ça peut être parfois trop rapide. Il faut en descendre et regarder attentivement. 

La première édition de quartiersnord.photos en 2015 m’a offert la possibilité de faire le tri dans une dizaine d’années de paysages urbains. Jusqu’en 2015, j’ai gardé une certaine distance respectueuse avec les gens. Quand ils me semblaient faire corps avec le paysage, je prenais la photo. Mais la plupart du temps, je m’abstenais de troubler leur quiétude. L’opportunité de présenter le projet Territoire à la Maison de la culture Ahuntsic-Cartierville à l’automne 2015 m’a cependant fourni la caution qui me manquait pour que je me sente autorisé à approcher les gens directement pour leur demander la permission de les prendre en photo.

Cela m’a permis de rencontrer des gens sympathiques  de tous les horizons et d’apprendre bien des choses d’eux. Vous pouvez, vous aussi, faire leur connaissance en consultant les articles de blogue de l’édition 2015 du site et la galerie de portraits intitulée « Les gens ». Nous avons souvent discuté de questions d’origine et d’appartenance, mais aussi tout simplement de leur travail ou de leurs passions.

Certains diront qu’en m’adressant directement à eux, je perdais la possibilité de capturer des moments révélateurs, de faire ce que les anglophones appellent de la « candid photo ». C’est vrai, mais vous ne verriez pas tous ces visages, si je m’en étais tenu à épier ces personnes à distance.

Pour 2016, j’ai repris les guidons de mon vélo pour parcourir les rues de Montréal-Nord dès le 9 mars, selon la date de ma première photo pour ce projet, une vue du Parc Pilon sous la neige. En fait, c’est avec l’équinoxe de printemps, le 21 mars, que les choses ont véritablement commencé à rouler. Toutes les photos de l’exposition « Toi, moi et Montréal-Nord » ont été réalisées en trois mois. Pas question cette fois de piger dans mes archives. Les plus récentes photos datent d’il y a trois jours à peine.

Le plaisir et l’intérêt de cette démarche réside essentiellement dans cette quête d’éclairages révélateurs et de rencontres. Je vais poursuivre à un rythme plus lent mes observations photographiques pour le reste de l’été. Quelques nouvelles photos seront à l’exposition « Toi, moi et Montréal-Nord »  avant qu’elle ne se termine. Je prévois faire ces ajouts pour le 11 août.

Ceux qui sont familiers avec l’édition 2015 de ce projet auront sans doute noté que, cette fois-ci, je n’ai pas eu le temps d’écrire un article sur chaque personne que j’ai photographiée ce printemps.

Je compte me rattraper du mieux que je le pourrai au cours de l’été. Certains textes ne seront probablement que de courts commentaires. Dans d’autres cas, je reverrai possiblement certaines personnes.

L’aventure continue.