Louise, Bella et Oscar
Il y a près de la rivière des Prairies dans le Parc Nicolas-Viel de très beaux spécimens de peupliers deltoïdes. Le plus notable est le plus grand qui est situé tout près de la stèle commémorant la première messe catholique célébrée sur l’Île de Montréal en 1615 sur une de ces faces et le Père Nicolas Viel mort noyé avec son protégé Auhaïtsic dans les eaux de la rivière des Prairies. Des gens se mettent souvent ensemble pour mesurer de leurs bras le diamètre de son tronc. J’ai noté que cet été dans le cadre de leur projet « Lettres d’amour aux arbres centenaires de Montréal », le poète Bertrand Laverdure et l’artiste Patsy Van Roost ont conviés les citoyens à ses pieds avec la poète Marie-Paule Grimaldi pour l’étape finale de leur tournée.
Tout récemment, alors que je tentais de trouver avec ma caméra tournée vers le ciel un point de vue tout près du sol qui me permettrait de mettre en valeur à la fois son tronc imposant et l’envergure de son feuillage, une belle dame est passée avec sa chienne. Louise m’a expliquée qu’elle et Bella venaient voir Oscar ensemble régulièrement depuis qu’elles habitent le quartier.
Je ne connaissais pas cet arbre par son prénom. En fait, c’est Louise qui lui a donné.
Nous avons causé un peu. J’ai appris qu’elle venait de faire des conserves de tomates avec un groupe d’amis. Ils avaient profité de l’abondance pour les acheter ensemble en vrac au Marché Jean-Talon.
J’ai fait depuis le début de mon projet quartiersnord.photos près de 200 portraits, presque tous à la première rencontre avec des inconnus. Une partie de ces portraits ont été publiés sur ce site seulement, d’autres sur ma page Flickr et quelques un sur les deux plates-formes. À part la cinquantaine fait au cours de l’été 2016 dans une période assez courte à Montréal-Nord, ils sont tous accompagnés d’un texte comme celui-ci. Je ne suis pas un écrivain très rapide et je tape très mal, ce qui allonge les procédures.
J’avais décidé de prendre une pause de ce projet mais l’histoire était jolie et Louise aussi et l’été qui s’était tant trainer les pieds pour arriver semblait vouloir se prolonger.
Lorsque je lui demandé si elle accepterait de se faire photographier, elle m’a répondu qu’elle n’était pas prête, pas maquillée, et pleine de taches de tomates. Pour les tomates, ce n’était pas vrai du tout. Elle doit travailler très proprement. Pour ce qui est du maquillage, mêmes fardées les dames ne sont jamais prêtes pour se faire tirer le portrait si on se fie à leurs dires.
Comme vous le voyez, elle a tout de même gracieusement accepté. Il faut dire qu’elle aurait une raison professionnelle de ne pas jouer le jeu. Louise est styliste vestimentaire pour une clientèle de gens d’affaire qui n’ont pas le temps et pas toujours la confiance d’avoir le flair pour se constituer une garde-robe ou des tenues qui les avantagent pour les moments importants.
Voilà donc comment un arbre peut susciter et abriter une rencontre impromptue.
J’imagine que nos nous recroiserons probablement dans les environs. Curieusement, j’ai d’ailleurs revu une des premières personnes que j’ai photographiées en 2015 quelques minutes plus tard. Il s’agit de Julie qui sortait son kayak de la rivière comme en juin de cette année où l’été s’était montré plus précoce.