Daniel L.

C’est Mathilde-Hasnae* qui m’a été présenté Daniel au début de ma rencontre avec elle un lundi, en fin d’après-midi, à l’Accorderie de Montréal-Nord. Alors que je causais avec Mathilde, Daniel lisait quelques documents près de nous à la grande table de la pièce qui sert à la fois de salle de réunion et de salle à manger. Comme il ne semblait pas totalement indifférent à notre conversation, elle a inévitablement fini par l’y inclure un peu. Lorsqu’est venu le temps de faire quelques photos, je lui ai donc suggéré de se joindre à nous dans le jardin collectif de l’Îlot Pelletier.

C’est ainsi que de fil en aiguille, notre conversation s’est poursuivie après le départ de Mathilde pour se terminer, à la tombée du soir, devant l’entrée d’un des immeubles où il vit dans cet ensemble résidentiel mis sur pied par la Société d’Habitation Populaire de l’est de Montréal. Ce projet est situé dans un secteur de Montréal-Nord qui évolue positivement depuis quelques années, après avoir longtemps été perturbé par la présence des gangs criminalisés.

Daniel a grandi dans les environs. Ses parents se sont installés dans le quartier à une époque où il y avait encore des champs à quelques rues de leur demeure.

Il a travaillé 31 ans comme opérateur de machines numériques dans une usine de produits métalliques dans la partie est de l’arrondissement. Il a cependant perdu son emploi il y a trois ans, à la suite d’une grave dépression. Vu ses années de services, il a touché une modeste allocation de départ. Pour cette raison, lorsqu’il a été admis comme locataire célibataire, il payait le loyer maximum prévu pour un 1 ½. Pendant de longs mois, il s’est emmuré seul, ne fréquentant pratiquement que le médecin et la travailleuse sociale du CLSC.

C’est un peu beaucoup cette dernière qui l’a poussé, à la fois pour briser son isolement et pour des raisons de santé, à rencontrer les gens des organisations populaires qui ont leurs locaux dans l’Îlot ou ailleurs dans le quartier. Il a tout d’abord côtoyé les gens de Paroles d’excluEs, un organisme de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale et fait du bénévolat avec le Centre d’action bénévole. Aujourd’hui, il participe surtout à L’Accorderie, un organisme d’échange de services entre individus. Il m’a d’ailleurs fièrement montré au mur de la salle des photos où il figurait avec d’autres convives lors d’un grand diner communautaire tenu récemment à l’École secondaire Calixa-Lavallée.  Au menu de ce repas préparé par les membres de L’Accorderie: des pâtes avec une sauce végétarienne, ce qui convenait à tous les régimes, incluant ceux qui mangent halal.

Comme il a passé la mi-cinquantaine et que les prestations d’Assurance-emploi se sont taries sans qu’il ne retrouve d’emploi, il craint de ne pas avoir la confiance, ni le moral et la santé nécessaires pour pouvoir se faire une place sur le marché du travail. Maintenant dépendant du maigre budgetaccordé par l’aide sociale, il suit avec intérêt les démarches du Comité de suivi en sécurité alimentaire.

Un des services de L’Accorderie est d’ailleurs un groupe d’achat de produits alimentaires. Les ressources des membres sont mises en commun afin d’obtenir des denrées à meilleur prix.

Daniel a aussi participé cet été au jardin collectif de l’îlot Pelletier, dont les récoltes sont partagées équitablement entre le groupe d’achats et les jardiniers bénévoles. En ce début d’octobre, le jardin était encore productif.

Avant qu’on ne se quitte, il m’a dit qu’il espérait se qualifier pour un programme de logement subventionné. Cela lui permettrait de déménager dans un 3 ½. Il disposerait alors d’un balcon assez grand pour y loger un vélo. Il aura cependant beaucoup de paperasse à remplir avant d’y arriver.

http://quartiersnord.photos/blogue-fr/2015/10/13/mathilde-hasnae-m

Daniel, la nuit tombée, devant le portique d'un immeuble de L'Îlôt Pelletier