Ericka A.

Ericka a pris connaissance de QuartiersNord sur la page Facebook de mon fils Mikaël rencontré lors d’une conférence de XX-MTL sur la place et la représentation des femmes dans les médias. Lorsqu’elle est arrivée au lieu de notre rendez-vous, le Bar Vintage rue Fleury ouest, elle m’a reconnu. Nous avions passé une soirée pratiquement côte-à-côte sans réellement nous présenter lors d’un spectacle de Wyclef Jean. Arrivés tôt pour avoir de bonnes places nous avions échangés quelques propos et j’avais remarqué qu’un groupe de gens tous socialement engagés s’était peu à peu formé autour de cette dame très sociable.

Ericka est née en Estrie et a grandi à Sherbrooke. Ses parents originaires d’Haiti s’étaient établis dans la région à la suggestion de québécois connus dans leur pays natal. Selon elle, grandir dans ce milieu a été une excellente chose. Par contre, ses parents y ont au début connus le regard inquiet des voisins qui n’avaient jamais côtoyés de membre de la communauté noire. Avec le temps, de fortes affinités avec certains de ces voisins se sont développées. Son père, cuisinier de métier, y a bien contribué en s’impliquant dans les fêtes de quartier et les conseils scolaires. Les gens du quartier se souviennent encore de l’année où il avait remplacé les habituels hot-dogs du pique-nique de la St-Jean-Baptiste par de la lasagne pour tout le monde!

Ericka a connu une enfance où le bonheur et le malheur se sont emmêlés. La maladie a emporté sa mère alors qu’elle n’avait que 10 ans. Elle dû alors être plus qu’une grande sœur pour son jeune frère. Son père, qui s’est admirablement occupé des deux jeunes et a veillé sur leur parcours scolaire, a lui aussi été terrassé par la maladie lorsqu’elle était au tournant de la vingtaine.

Elle est alors partie pour Montréal ou elle a tout d’abords cohabité avec quatre filles dans le Plateau et a entamé des études à Concordia en science politique. Elle a travaillé quelques années chez Jacob puis au Y des Femmes et contribué à l’organisme « Mon projet d’Affaire », un centre de formation et de coaching en entrepreneuriat pour femmes.  Elle a assumé bénévolement quelques années la co-présidence de Générations d’idées, un groupe qui encourage les regards nouveaux sur les enjeux de société et l’expression de la diversité d’idées afin de donner une voie à la génération montante. Elle a aussi contribué à un organisme de soutien aux personnes atteinte du VIH-Sida. Le bénévolat estpour elle une partie fondamentale de sa vie.

Comme d’autres avant, elle croyait qu’il n’y avait pas beaucoup de signe de vie au nord de la 40 lorsqu’elle a été embauchée au Centre Jeunesse Emploi Ahuntsic Bordeaux Cartierville. Elle a depuis changé d’idée. Le Bar vintage est d’ailleurs un des coups de foudre de cette fille qui fréquente beaucoup bars et restos, un peu avec le souvenir de son père œuvrant dans ce milieu.

Comme elle préfère l’action à la théorie, elle a repris des études à temps partiel en Gestion philanthropique. Elle adore contribuer au succès des autres et m’a parlé avec émotion de deux jeunes étudiantes du collège Ste-Marceline et de leur projetMardi sans maquillage, un mouvement pour promouvoir l'estime de soi, la confiance et la fierté. Ce sont des valeurs qui correspondent bien à celle d’Ericka!

Ericka et Jean-Maxime sur la terrasse du 132 Bar Vintage

Jean-François C.

En me rendant faire réparer mon vélo chez Cycles Fleury, j’avais glissé un mot au sujet de QuartiersNord au patron. Il en a discuté avec son personnel, puis m’a suggéré de m’adresser à Jean-François lorsque je repasserais à la boutique cueillir mon vélo. J-F et moi avons effectivement eu une bonne conversation à ce moment.

J-F est natif de Québec, mais a grandi en banlieue de Montréal. Il a vécu, entre autres, à Laval et à St-Eustache, avec un détour à Bruxelles où son père a travaillé pendant deux ans, puis à Gatineau. Il a entamé à Ottawa un cours de photo au tournant du millénaire, alors que le numérique n’avait pas encore supplanté l’argentique. Il a cependant abandonné en chemin en raison du cout du matériel. Il a fait un Diplôme d’études professionnelles en Cuisine d’établissement au Centre professionnel Relais de la Lièvre à Buckingham, puis travaillé dans la restauration en région et à Montréal. Ayant un peu trop fait la fête pendant son passage en restauration, il ne semble pas loin de considérer aujourd’hui ce milieu comme un lieu de perdition!

Il est arrivé dans Ahuntsic en 2005, un quartier dont il apprécie la quiétude. C’est vers 2008, en frappant à la porte de Cycle Fleury pour offrir des services photographiques, qu’il a connu l’ancien proprio. Celui-ci était à la recherche d’un employé et lorsqu’il vit que J-F se débrouillait bien en mécanique, il l’a immédiatement pris à son service. Il m’a dit que cet emploi avait contribué à le remettre sur le droit chemin, rien de moins. Cet emploi devient cependant progressivement un « sideline », selon ses mots. En 2011, il a effet entrepris un bac en enseignement, qu’il a terminé ce printemps. Il lui reste encore à se conformer à certaines formalités administratives afin de pouvoir passer de la suppléance à l’enseignement comme titulaire au secondaire. La spécialité à laquelle il se destine est le programme Univers social. C’est le jargon de l’heure pour Histoire, Géographie et Étude du monde contemporain. Tirant partie de son expérience antérieure, il a l'intention de travailler avec la photo et la BD pour mener à bien diverses situations d'apprentissage.

J-F a aussi eu l’opportunité de faire un stage au Bénin en Afrique, dans le cadre d’un programme de Jeunesse Canada Monde. Il m’a dit avec un mélange d’amusement et de fierté qu’on venait l’y écouter comme s’il était un spécialiste de la pédagogie.

Il conserve tout de même une passion pour le vélo. Le lundi suivant ma visite, un jour de congé pour lui, il se préparait à aller rouler. Il m’a aussi glissé un bon mot pour Julien, le nouveau proprio de Cycles Fleury depuis deux ans. Celui-ci a démocratisé l’offre de vélo de la boutique, ce qui permet à J-F de mieux conseiller les clients en fonction de leurs ressources personnelles.

Un poste d’enseignant à temps complet serait maintenant le bienvenu. Lui et sa compagne originaire de México, Rocio, sont parents d’une petite fille nommée Sophie. 

Jean-François sur le terrain de Cycles Fleury

Alexis B.

C’est en entrant sur le site du Festiblues que j’ai croisé Alexis avec sa compagne Charlotte. Alexis était aux commandes du BBQ et le couple attendait les premiers spectateurs de la soirée.

Alexis, qui devra sans doute conserver un bon moment sa moustache caractéristique, tant elle risque de devenir une marque de commerce, est maitre boucher.  Avec Charlotte et quelques associés il a ouvert Ça va barder, rue Fleury Ouest ce printemps. Si l’investissement et les démarches nécessaires à la mise en marche l’ont laissé « absolument terrorisé » avant que les portes n’ouvrent, le commerce est bien lancé et emploie déjà seize personnes.

Alexis a vécu dans Outremont jusqu’à l’âge de 14 ans. Comme bien des gens que j’ai rencontrés à date, il a ensuite connu plusieurs quartiers de Montréal. Il ne connaissait cependant pas Ahuntsic il n’y a pas si longtemps. C’est en cherchant l’emplacement idéal pour Ça va barder qu’il a découvert le quartier. D’ici quelques jours, Charlotte et lui en deviendront également des résidants.

Alexis a fait le tour des métiers de la restauration. Il a travaillé en cuisine et en salle.  Il a aussi étudié et pratiqué la sommellerie. Il s’est cependant aperçu qu’il préférait la connaissance du vin au métier de sommelier, dans lequel il n’était pas aussi heureux qu’il se l’était imaginé au départ. C’est finalement avec en tête l’idée de rentrer au travail en sifflant qu’il a décidé de monter sa propre entreprise.

À travers tout ça,  il est musicien à ses heures. Il joue surtout des percussions, ce qui l’a amené à voyager pendant deux ans en Afrique. Il m’a d’ailleurs dit qu’il connaissait des musiciens africains à Montréal.

C’est avec aplomb qu’il m’a affirmé, entre le BBQ et le camion de la boucherie, qu’il ne faut pas manger plus d’une livre de viande par semaine, mais qu’il faut bien la choisir.  Considérant le travail de la viande comme celui d’un artisan et ayant lui-même appris de maitres, cet homme sait de quoi il parle!

Je l’ai revu la semaine suivante. J’étais allé chercher mon vélo en réparation dans un commerce voisin.  Il ne restait plus qu’un pas à faire pour passer lui dire bonjour. Il m’a reçu avec fierté et fait faire le tour du propriétaire. Nous sommes descendus au sous-sol où il m’a montré le fumoir à viande, le frigo avec les pièces de viande étiquetées selon leur ferme d’origine, ainsi que celui où les saucisses maison vieillissent.

Il parle de ses produits avec tant de chaleur et de conviction que je ne serais pas surpris de le voir à la télé régulièrement lorsqu’on lui en donnera la chance. Je le lui ai d’ailleurs mentionné. Il m’a alors confié qu’il passerait prochainement à l’émission de Maria Orsini à Radio-Canada.

Quelque chose me dit qu’il n’a pas fini de siffler!

Alexis sur le site du Festiblues 2015

Alexis sur le site du Festiblues 2015