Isabelle P.

La veille de l’Halloween, j’ai remarqué un imprimé fait maison collé sur le fut d’un lampadaire au coin de Fleury et St-Charles. L’affiche annonçait que les voisins de la ruelle St-Charles – Péloquin, entre Sauvé et Port-Royal, nous invitaient le lendemain à visiter la « Ruelle hantée ».

J’y suis donc passé un peu avant la tombée de la nuit et le défilé des petits et grands costumés, curieux de voir comment cette initiative, avait pris forme. Plusieurs résidants s’affairaient fébrilement aux derniers préparatifs des décors. J’ai approché quelques personnes pour en savoir plus et comme ce fut souvent le cas cet été, on m’a référé  à la personne qui avait spontanément assumé le leadership de l’évènement, soit Isabelle Payant.

J’ai alors pris quelques photos d’Isabelle avec son conjoint Stéphane, déguisé en boucher, et Marie-Noël dans le rôle de la gentille sorcière. C’est d’ailleurs elle qui avait fait la promotion de l’évènement et collé l’affiche que j’avais lue. Comme ils avaient fort à faire, je suis repassé plus tard voir comment se déroulait la soirée. C’était un franc succès : devant l’affluence des petits êtres costumés, plusieurs des parents avaient dû s’absenter pour refaire le plein de bonbons!

Isabelle et moi nous sommes revus le lundi suivant à la boutique-traiteur Le goût des autres, pas très loin rue Sauvé est, pour causer tranquillement. C’est ainsi que j’ai enrichi mon vocabulaire d’un terme qui m’était inconnu : castelier. Ce mot un peu suranné désigne un montreur de marionnettes. Isabelle est castelière. En fait, cette comédienne de formation est cofondatrice avec Stéphane, du Théâtre des Petites Âmes. Elle est directrice générale et artistique de cette compagnie de théâtre de marionnettes spécialisée dans les spectacles pour la petite enfance.

Isabelle a passé son enfance à Laval, puis son adolescence à Kanata en banlieue d’Ottawa. Elle a étudié au CÉGEP Lionel-Groulx en interprétation. Lors d’une année de pause dans ses études, elle a constaté que si le jeu théâtral n’était pas une nécessité absolue dans sa vie, elle souhaite le pratiquer, tant qu’elle pourra le faire dans le bonheur et  le plaisir. Cet esprit l’anime dans tout ce qu’elle fait. Comme elle expérimente dans chaque aspect de ses productions, elle a manifestement une grande curiosité et des intérêts diversifiés.

Après le CÉGEP, elle a joué dans la production « Le prince serpent » du théâtre Parminou qui pratique un théâtre populaire engagé. Cette pièce destinée au public des écoles secondaires vise la prévention de la prostitution juvénile. Elle a aussi collaboré à des productions du Théâtre de l’œil, où elle s’est familiarisée avec les arts de la marionnette.

Comme bien des artistes, les engagements étant irréguliers, c’est lors d’une période tranquille qu’elle a entamé le processus qui a mené à la création d’une première pièce, PEKKA, et à la fondation de la compagnie Le Théâtre des Petites Âmes. Stéphane, qui fait partie du projet depuis le début comme administrateur et régisseur, a longtemps été coordonateur pour l’Association Québecoise des marionnettistes. Les pièces de la compagnie sont conçues pour être jouées dans des contextes intimes devant un public n’excédant pas 75 enfants afin de préserver l’attention des tout-petits. Créée en 2008, PEKKA est jouée, encore aujourd’hui, par Isabelle et ses marionnettes.

Le Théâtre des Petites Âmes a présenté ses créations jusque dans l’Ouest canadien, aux Etats-Unis, en France, en Espagne et en République Tchèque, en français, en anglais et en espagnol (et exceptionnellement en tchèque!). Ayant une excellente réputation dans le milieu, la compagnie est une habituée des festivals, des centres culturels et des Maisons de la culture. Les tournées lui ont permis de se faire un bon réseau d’échange, ce qui a mené à la création de POMME, une création conjointe avec la Compagnie Garin Trousseboeuf, en coproduction avec Casteliers, Le Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières (France) et Le Théâtre de Laval (France). La pièce a été jouée aussi bien en France qu’au Québec.

Véritable touche-à-tout, Isabelle travaille à l’écriture, à la mise en scène, au jeu, aux décors et à la musique de ses spectacles. Pour la plus récente création, OGO, qui sera en tournée au début de 2016, trois comédiens marionnettistes sont sur scène, une première pour la compagnie.

Croyant sincèrement à l’importance de l’implication citoyenne et de la culture dans la vie communautaire, Isabelle et Stéphane ont aussi fait du Théâtre des Petites Âmes le parrain du premier Croque-livres de l’Arrondissement situé à l’Aréna Ahuntsic. Un autrea été ajouté depuis devant le 9762 Avenue St-Charles.

Vous entendrez certainement parler d’eux dans la communauté au cours des prochaines années. D’autant plus que la Ruelle hantée reviendra fort probablement l’an prochain.

Isabelle P.

Élyse R.

Fer et Titane est le titre d’un une chanson de Gilles Vigneault, qui a d’ailleurs écrit bien d’autres choses que le refrain de Gens du pays. C’est aussi la raison sociale d’origine d’un important pollueur industriel qui exploite un immense complexe métallurgique à Sorel, une des villes les plus Heavy Metal du Québec.

Élyse serait originaire de cette ville. Ce qu’elle en sait, c’est qu’elle est née à l’hôpital de Notre-Dame de Sorel, mais a été adoptée par une famille de Verdun alors qu’elle n’avait que quelques jours. Avouez que c’est paradoxal pour une dame qui est aujourd’hui directrice générale de Ville en Vert, un organisme d’Ahuntsic-Cartierville qui réalise des projets en agriculture et en biodiversité urbaines, en saine alimentation, en mobilité durable et en gestion des matières résiduelles!

Les gens que je vous ai présentés m’étaient généralement inconnus avant que je ne les croise au cours de l’été, mais le cas d’Élyse est un peu différent. Nous nous étions rencontrés l’année dernière chez des amis communs qui tenaient un grand barbecue estival en voie de devenir un rituel annuel. Comme nous habitons le même quartier, je la vois aussi à l’occasion passer à pied ou à vélo le matin avec ses enfants sur le chemin de l’école. Elle accorde d’ailleurs beaucoup d’importance à leur éducation.

C’est lors de l’inauguration de la Vitrine environnementale de Cartierville, le 28 septembre dernier, que nous avons repris contact. La photo de groupe avec ses collègues de Ville en vert a été prise à cette occasion.

Élyse a habité dans différents quartiers de Montréal avant de s’installer dans l’arrondissement. Elle et sa petite famille ont même habité quelques années à Laval. Même s’ils vivaient à proximité d’une station de la ligne orange du métro, ces Montréalais dans l’âme ne s’y sentaient pas vraiment à leur place.

En raison du décès de son père alors qu’elle était jeune, les ressources de sa mère étaient modestes. Élyse a donc fait toutes ses études en travaillant une vingtaine d’heures par semaine. Elle a ainsi travaillé chez le glacier bien connu d’Outremont, Le Bilboquet, alors qu’elle  était collégienne et entamait ses études universitaires à l’UQAM en administration des affaires (marketing). Comme bien des gens aujourd’hui, elle a occupé plusieurs emplois avant d’arriver au début de la trentaine. Tout en complétant un MBA en Planification et Gestion stratégique à l’UQAM, elle a travaillé comme analyste junior dans des sociétés financières, chargée de cours, adjointe aux opérations et coordonnatrice au marketing dans des firmes de technologie. Ayant la fibre entrepreneuriale, elle a aussi agi comme consultante auprès de commerces de détail et de services.

C’est pendant qu’elle étudiait à la maitrise en environnement de l’Université de Sherbrooke qu’elle a commencé à travailler dans ce secteur dans notre arrondissement. À partir d’un petit bureau d’Éco-quartier dans Cartierville et d’un budget initial d’un salaire et demi, elle a progressivement monté un organisme qui emploie aujourd’hui une quinzaine de collaborateurs permanents et une dizaine d’autres personnes sur des bases temporaire. Faisant preuve d’initiative, cette petite équipe formée de jeunes gens bardés de diplômes multiplie les projets à portée environnementale et sociale. Passionnés par leurs projets, ces gens travaillent cependant dans des conditions précaires au gré des financements obtenus. Leurs efforts pour assurer la stabilité de cet organisme à but non lucratif sont toujours à recommencer. Quand je constate leur situation et celles des autres personnes œuvrant dans le secteur communautaire, je me dis qu’il y a quelque chose qui cloche dans nos priorités collectives!

Vous pouvez vous faire une idée de leurs qualifications et de la diversité de leurs projets en consultant le site web de Ville en vert, dont l’hyperlien apparait à la fin de l’article. Vous pouvez également faire l’achat de produits écoresponsables en visitant l’une de leurs deux éco-boutiques L’Escale verte, soit au 10416 rue Lajeunesse ou au 5765 Boulevard Gouin Ouest.

Élyse continue parallèlement à s’intéresser à d’autres questions de santé liées à l’environnement. Elle a participé au projet« Sabotage hormonal » du Réseau des femmes en environnement et continue à sensibiliser la population aux différents impacts qu’ont les perturbateurs endocriniens sur la santé et la reproduction de l’espèce humaine. Elle m’a d’ailleurs affirmé qu’avec tout ce qu’elle a vu et appris en environnement, elle accorderait beaucoup plus de place aux sciences dans son parcours académique si elle était adolescente aujourd’hui.

Citoyenne engagée dans son milieu, Élyse a aussi été vice-présidente, puis trésorière du Conseil régional de l'environnement de Montréal. Au terme de notre rencontre au bureau de Ville en Vert, elle se préparait de plus à assister à une réunion du conseil d’administration du Collège Ahuntsic, où elle siège comme administratrice. 

Élyse dans l'éco-boutique L'Escale verte, au 10416 Lajeunesse

Michael B.

Par un vendredi pluvieux d’octobre, je me suis rendu chez Blume sur la Promenade Fleury. La veille, jour de notre anniversaire de mariage, j’y avais acheté un bouquet pour mon épouse. J’avais causé un peu avec la fleuriste le temps qu’elle le prépare.

J’espérais qu’elle se montre disposée à reprendre la conversation et à se faire photographier pour QuartiersNord.photos. Arrivé à la porte, je suis tombé sur une petite note « de retour dans cinq minutes ». J’ai donc flâné aux alentours.

C’était le lendemain du début de la saison de hockey. Il pleuvait. Curieusement, dans la grisaille automnale, le drapeau du Canadien en façade du Tablier Rougeressortait plus vivement que par les jours ensoleillés. Par beau temps, il se perd dans l’ombre du portique. J’ai donc sorti mon appareil pour faire une photo de circonstance.

Au moment où je pointais l’objectif vers la façade du commerce, un monsieur en costume de cuisinier y entrait. Quelques secondes plus tard, un jeune homme en sortait pour me demander pourquoi je prenais une photo. J’ai commencé par lui expliquer que je n’avais pas de but plus précis que de capter la lumière du moment. Par contre, puisque nous avions entamé une conversation, je lui ai demandé s’il serait disposé à se faire prendre en photo et à répondre à quelques questions. Ainsi sont faites les rencontres dues au hasard.

Ce jeune homme, que vous voyez sur la photo avec son tablier rouge, st Michael B.. À ses côtés se trouve Renato P., chef chez La Molisana, un restaurant de l’autre côté de la rue. Michael a un peu grandi dans cet établissement fondé il y plus de trente ans par un oncle et aujourd’hui dirigé par son père.

Dans sa jeunesse, il a fréquenté l’école Our Lady of Pompei, sur le boulevard St-Michel au nord de Sauvé. Il a beaucoup joué au soccer dans les ligues du nord de la ville. Avec un bagage familial comme le sien, il était tout naturel qu’il étudie à l’Institut de Tourisme et d’Hôtellerie du Québec (ITHQ). Il y a suivi le programme Formation supérieure en cuisine. Par la suite, il a voyagé en Europe. Il a étudié au Château de Codignat en France auprès d’un chef possédant deux Étoiles Michelin, ainsi que dans Les Pouilles, en Italie.

Le Tablier Rouge est ouvert depuis le printemps de 2014 dans un local où il y avait auparavant une boucherie. Aujourd’hui, on y prépare encore la viande et la charcuterie est faite maison. Mais l’entreprise évolue et développe sa personnalité tranquillement. On y fait maintenant d’autres plats cuisinés avec des ingrédients frais locaux : sauces, pesto, soupes, etc. 

Michael semble particulièrement à l’aise derrière le comptoir. On l’imagine facilement en patron de café participant aux conversations des clients. J’y étais entré un peu avant l’affluence du midi, et m’étais installé au comptoir pour prendre un expresso bien serré. J’ai rapidement été rejoint par d’autres clients avec qui j’ai fait un brin de causette. Mis en appétit par l’assiette du voisin, j’y ai finalement moi aussi dégusté un burger de luxe avec frites maison.

Les écrans de télé diffusaient la seconde partie d’après-saison des Blue-Jays de Toronto. Nous avons vu les joueurs des Jays entamer la première manche comme s’ils voulaient en terminer avec le baseball au plus sacrant! Ils ont d’ailleurs perdu ce match, mais se sont depuis repris et se préparent, au moment où je publie ces lignes, à disputer le second match de la série finale de la Ligue Américaine de Baseball, dernière étape avant les séries mondiales.

Les soirées de partie de hockey avec la bière de micro-brasserie et les burgers à prix spéciaux sont populaires au Tablier Rouge. Je ne peux que souhaiter à Michael que la saison de Hockey des Glorieux soit passionnante. Il faut dire qu’ils sont bien partis avec cinq victoires d’affilée!

Avec tout ça, pas de fleuriste ce jour-là.

Michael dans son établissement

Michael dans son établissement

Charles G.

Les gens qui fréquentent régulièrement les terrains de tennis du Parc Nicolas-Viel ont probablement déjà aperçu Charles faisant le tour de tous les recoins des courts pour ramasser les balles de tennis perdues qu’il remet aux écoles qui les installeront sous les pattes des chaises et des pupitres. C’est d’ailleurs à cet endroit que je l’ai rencontré. Beaucoup seront sans doute surpris d’apprendre qu’il travaille encore, autant que sa santé le lui permet à plus de 80 ans.

Il est né dans une famille fransaskoise de 14 enfants, dans le hameau de St-Isidore-de-Belleville, près de Batoche, le village où la rébellion des Métis menée par Louis Riel fut défaite. Il y retourne encore pour voir la parenté. Charles et six de ses frères et sœurs sont toujours vivants. Trois de ses sœurs ont été religieuses. Un de ses frères, marié à une dame elle aussi issue d’une famille nombreuse, a laissé une descendance d’une trentaine de petits-enfants.

Son arrivée au Québec s’est faite à St-Bruno en 1948. Il y a fait son juvénat, une période d’études et de formation qui suit le noviciat et prépare éventuellement au professorat, chez les Frères de St-Gabriel. Il se souvient d’y avoir joué au tennis. Devenu frère, il a enseigné à Deschaillons, puis à St-Bruno, village. Cette institution possédait encore des terres cultivées à la fin des années 40, alors qu’il y œuvrait. Ensuite, étant bilingue, il a travaillé en anglais à l’École Lajoie d’Outremont, à l’époque où elle comportait un secteur anglophone.

Dans les années 60, sa communauté lui a demandé de s’installer dans la région de Chicago. Il fut assistant au secondaire, puis administrateur au Merryville Academy. Il s’agit d’un ancien orphelinat qui était alors en voie de transformation en établissement pour les enfants victimes d’abus et maltraités. Il a parallèlement continué sa formation à la De Paul University, la plus grande université catholique des USA.

En 1969, il est parti pour Papua en Nouvelle-Guinée. Deux jours après son arrivée, il y enseignait déjà. A partir des années 1970, il a été directeur d’un établissement de Monfort Catholic Missions jusqu’en 1993. Il y a travaillé dans les villes de Daru et Kiunga. Cette mission était à son origine tenue par des religieux du Québec. Elle a par la suite été reprise par des communautés issues de Singapour et de l’Inde.

Au retour des missions, il fut mandaté pour aider son cousin, curé de la paroisse de North-Battleford en Saskatchewan.

De retour à Montréal, il œuvre à l’Escale Notre-Dame, un organisme qui héberge des hommes de 18 à 35 avec des problèmes de toxicomanie, drogue ou alcool. Ces personnes y suivent une thérapie d’une durée de 14 semaines.  Initialement, il y a été portier. Comme cette fonction lui laissait du temps, il a fait de son local un atelier de confection de chapelets. Aujourd’hui, il en est à plus de 3 500 de terminés.

Cet organisme est situé dans Hochelaga-Maisonneuve, comme une des écoles auxquelles il destine les balles de tennis recueillies par ses soins. Depuis 2004, il y est responsable de la comptabilité. Charles y travaillait encore récemment à temps plein.

Lorsque je l’ai revu quelques jours plus tard, il m’a montré quelques photos de lui à différentes époques de sa vie. Vous pouvez les voir en suivant le lien ci-dessous.

Charles au Parc Nicols-Viel