Abdelkarim M., Zineb E. & Seddik

Comme vous devez vous en douter, il me faut parfois parlementer un peu avec les personnes que je rencontre avant de gagner leur confiance. Dans le cas d’Abdelkarim et Zineb, ce fut plus simple. Ils ont accepté spontanément de participer à mon projet. Zineb m’a même gracieusement offert du thé à la menthe avec des baklavas maison.

C’est par une vraie journée de canicule que je les ai rencontrés au Parc-Nature de l’Île-de-la-Visitation. Assis par terre dans l’aire de pique-nique avec leur fils Seddick, ils finissaient de souper. Ils projettent d’ailleurs de visiter ainsi différents parcs dans le secteur au cours de l’été afin de mieux connaitre leur milieu de vie. Ce ne sera évidemment pas la Méditerranée, qui leur manque un peu, mais il y a tout de même de beaux parcs en bordure du rivage dans notre secteur.

Abdelkarim a vécu quelques années en France. Il y a fait des études en génie jusqu’au niveau de la maitrise. Comme d’autres gens que j’ai croisés, il est ensuite venu au Québec dans l’espoir de meilleures perspectives d’emploi.  Pour mettre toutes les chances de son côté, il a même recommencé ses études en génie afin d’obtenir un diplôme local. C’est par un ami qu’il a entendu parler d’Ahuntsic. Il est arrivé ici muni de son certificat de sélection du Québec. Il a eu la chance de passer à travers les procédures d’immigration assez rapidement et a depuis peu la citoyenneté canadienne.

Abdelkarim est natif d’Alger, son épouse, Zined, de Djelfa. C’est lors d’un séjour en Algérie qu’il a rencontré Zineb. Leur relation s’est ensuite développée via internet. Zineb l’a rejoint ici il y a deux ans et a occupé un emploi brièvement avant que sa grossesse n’avance. Le petit Seddick, qui commence à se tenir debout avec l’aide de ses parents, fera bientôt ses premiers pas tout seul. Il est né ici au cours de l’été 2014.

Fraichement diplômé de l’École Polytechnique de Montréal, Abdelkarim est activement à la recherche d’un emploi en génie électrique. Il m’a dit être prêt à déménager là où le mènera le travail. Preuve de sa volonté, il a récemment fait des séjours exploratoires à St-Jean-sur-Richelieu et à Shawinigan via l’organisme Place aux jeunes en région. Ils m’ont dit qu’ils se plaisaient bien au Québec, mais qu’avec un jeune enfant à élever, ils considèreraient se rendre en Alberta si Abdelkarim ne trouve pas d’emploi ici rapidement.

J’ai senti beaucoup d’ouverture d’esprit et la volonté de se bâtir un avenir parmi nous chez Abelkarim et Zineb. J’ose espérer qu’un employeur québécois appréciera également ces bonnes dispositions.

Zineb, Seddik & Abdelkarim au Parc-Nature de L'Île-de-la-Visitation

Ralph Gregory S.

Lorsque je me suis rendu à la Maison culturelle et communautaire de Montréal-Nord pour le vernissage de l’artiste Rose-Élise Cialdella, il y avait là un jeune homme avec une belle prestance qui servait les boissons à l’entrée de la salle d’exposition. Il m’a dit avec amusement que les gens lui trouvaient parfois une ressemblance avec P.K. Subban,  surtout lorsqu’il se laissait un peu pousser la barbe!

Ralph Gregory se fait appeler par l’un ou l’autre de ses prénoms. J’imagine que ses amis intimes savent lequel a sa préférence. Appelons-le Gregory, au risque de nous tromper.

Après avoir occupé un emploi d’été dans des camps de jours, Gregory a réalisé qu’il pouvait postuler pour les emplois offerts par la ville de Montréal. Étant étudiant, il occupe un poste à temps partiel sur appel avec droit de refus, ce qui lui permet de travailler sans mettre ses études en péril. Ses affectations sont variées : de préposé à l’accueil au Centre culturel à surveillant d’activités sportives.

Né en Haïti, c’est d’abord dans Ahuntsic qu’il a vécu à son arrivée au pays. Il y a terminé son école primaire avant que la famille ne déménage à Montréal-Nord. Son père était initialement arrivé ici seul, suivi de sa mère, puis des quatre enfants. Gregory est le troisième de la famille. Il a complété un Dec-Bac en Techniques de comptabilité et de gestion au cégep et se prépare à entreprendre un bac en gestion cet automne.

D’un naturel sportif, il aime le basket et le soccer. Il va aussi au gym, surtout pour y faire de l’haltérophilie. Côté musique, il aime le soft-rock et la musique techno. Une de ses vedettes préférées est David Guetta. Je lui ai demandé par curiosité qui était son idole haïtienne. Je m’attendais à entendre le nom d’un chanteur ou d’un athlète, mais après un moment de réflexion, il m’a répondu « Dany », en référence à l’écrivain Dany Laferrière. Ce nom aurait fort bien pu être la réponse d’une personne née à Montréal à qui nous aurions demandé de nommer une vedette québécoise!

Je lui ai alors demandé si, après avoir passé plus de la moitié de sa vie à Montréal, il se sentait plus Québécois qu’Haïtien. Il m’a répondu qu’il n’en était pas encore à ce point. Par contre, lors de son dernier séjour au pays natal, il a constaté qu’on ne le comprenait plus aussi facilement, même s’il parle encore le créole à la maison.

Les questions identitaires sont parfois bien plus compliquées qu’on ne le pense!

https://www.facebook.com/pages/Maison-Culturelle-Et-Communautaire-De-Montreal-Nord/441373782581093

Ralph Gregory à la Maison culturelle et communautaire de Montréal-Nord

Christiane T.

C’est parce qu’elle m’avait jeté un coup d’œil par-dessus son épaule en me dépassant sur une piste cyclable que j’ai remarqué Christiane pour la première fois. Quelques jours plus tard, nous nous sommes recroisés brièvement à l’abreuvoir du Parc Maurice-Richard, toujours mieux connu d’ailleurs comme le Parc Stanley malgré les huit coupes du Rocket! Je l’ai trouvé grande. Les patins à roues alignés y étaient pour quelque chose. Nous avons à peine échangé quelques mots et je lui ai remis un carton avec les coordonnées de mon projet, en espérant qu’elle se porte volontaire.

C’est à l’Île Perry que nous sommes donnés rendez-vous pour cet article. Christiane habite depuis deux ans tout près dans Bordeaux. Étant une personne très active, elle a apprécié les abords de l’île l’hiver dernier et profité du temps froid pour faire du ski de fond hors-piste sur la rivière gelée.

En discutant, nous nous sommes trouvé certains points communs dans nos trajectoires de vie — naissance en Abitibi, arrivée avec la famille dans le West Island tout jeune et une douzaine d’années chacun comme résident du Plateau Mont-Royal — malgré des parcours somme toute différents.  

Après des études en communications, elle s’est tournée vers le secteur de la mode et de la couture. Elle travaille depuis comme pigiste pour de nombreux ateliers de costumes, des troupes de théâtre, etc. Elle a ainsi contribué à la création de masques pour Alegria, une des productions qui ont lancé le Cirque du Soleil. C’est d’ailleurs pendant ce mandat qu’elle s’est découvert un goût pour le travail en trois dimensions, notamment pour la réalisation d’accessoires de marionnettes. Elle contribue en ce moment à Toruk, le prochain spectacle du Cirque du Soleil basé sur le film Avatar de James Cameron. C’est un gros projet qui partira en tournée à l’automne 2015.

Mère de deux ados qui ont été élevés dans les Laurentides, elle a réussi à ne pas travailler les étés, tout en maintenant des engagements réguliers le reste de l’année. C’est après sa séparation d’avec leur père qu’elle est arrivée dans Bordeaux. Comme les enfants sont dans une école secondaire locale, mais que les parents en partagent la garde, il fallait un point d’attache à Montréal pas trop loin de l’autoroute 15 vu que le père demeure toujours dans le nord.

Je me disais que le couple habitait bien loin de la ville pour venir y travailler dans le secteur culturel. Elle m’a alors expliqué que son ex-conjoint travaillait dans un tout autre secteur. Quand elle m’a appris quelle était sa profession, j’ai réalisé qu’il s’agissait d’un ami d’un mes frères!  En fait, Christiane avait étudié avec ce dernier au secondaire et connaissait aussi le benjamin de ma famille.

Le monde est petit… Comme j’ai trois frères, il lui en reste tout de même un autre à rencontrer!

Christiane sur l'Île Perry

Nelly E.

J’avais initialement prévu ne publier que des articles traitant des résidents d’un territoire défini. Bon, j’ai déjà fait deux entorses à ce critère. C’est Nelly qui m’a fait céder définitivement en me disant que ce critère étroit pouvait me faire rater de belles rencontres. J’y ai repensé.

Alors voici Nelly.

Originaire de Douala au Cameroun, elle est arrivée à Montréal il y a moins d’un an en provenance de France, où elle a vécu une douzaine d’années. Ses trois sœurs l’y ayant précédée, elle a rejoint l’une d’elles à Nancy et elles y ont été colocataires. Tout en y résidant, elle a fait des études en communications à Metz. C’est cependant à Paris qu’elle a fait ses stages universitaires et trouvé du travail, les gens du Nord-est étant, selon elle, moins réceptifs aux étrangers.

Elle aimerait faire carrière en journalisme radiophonique, qu’elle a pratiqué à Paris parmi d’autres emplois. Admise comme immigrante qualifiée, elle a fait, dès son arrivée ici, de nombreuses démarches pour trouver du travail dans ce domaine. Elle a notamment contribué bénévolement à l’émission du midi Magazine Centre-Ville au 102,3FM, une station visant le rapprochement interculturel. Elle s’est cependant rapidement aperçue que, contrairement à ce que les agents d’immigration lui avaient affirmé, il n’est pas facile, comme étrangère, de percer le marché de l’emploi. Comme il faut bien vivre, elle s’est déniché un poste de réceptionniste dans un institut de formation du boulevard Gouin, ce qui lui permet de se payer un modeste appartement dans le Plateau Mont-Royal. Elle n’a cependant pas renoncé à poursuivre sa formation pour améliorer son sort.

Arrivé seule ici, comme à son départ du Cameroun à la fin de l’adolescence, elle fait face à une double rupture. C’est en effet avec un compagnon français blond aux yeux bleus qu’elle devait venir s’installer au Québec. Celui-ci avait tout d’abord partagé avec enthousiasme son projet avant de tiédir à mesure que l’échéance du départ arrivait… Nelly, elle, n’a pas changé d’idée.

Chose surprenante, c’est sa mère qui, après l’avoir appris auprès d’une tierce personne rencontrée chez elle au Cameroun, lui a fait part de la possibilité d’un accueil favorable au Canada. À date, elle estime que les gens ici sont moins stressés qu’en France et que la vie peut être meilleure. Pour le moment, elle espère une visite de sa mère, qui en a déjà fait une en France chez ses sœurs cette année.

C’est alors qu’elle causait dans un parc avec une religieuse congolaise qu’elle a connue lors d’une retraite à Rougemont, que j’ai fait sa rencontre. Je me suis dit que le fait d’être petite-fille d’un pasteur évangélique était peut-être pour quelque chose dans l’éclosion de cette amitié récente. Elle m’affirme que son amitié avec Maria Gabriella tient plutôt au fait que c'est une personne vraie et aimable avec laquelle elle partage une vision de la vie similaire.

Nelly E. dans le Parc Tolhurst