Julie L.

Parmi les gens qu’on gagnerait à mieux connaitre, il y a nos voisins. Si je cause à l’occasion avec ses parents, Alain et Lucie, je savais bien peu de choses de Julie, sinon qu’elle n’a pas l’usage de ses jambes. C’est une amie, Danièle, qui a suivi mon projet Quartiersnord.photos cet été, qui m’a envoyé un petit courriel me suggérant de la rencontrer. Elle l’a connue au Centre Champagnat où elle a travaillé comme enseignante spécialisée. C’est à ce centre que Julie fait son cours secondaire.

Jeune adulte, elle y poursuit son apprentissage à son rythme. Ainsi, elle peut suivre des cours de différents niveaux selon les matières. Je croyais que Julie avait des difficultés à s’exprimer. En fait, si son élocution demande un peu d’attention, son français est excellent et elle exprime ses idées clairement. Le français est d’ailleurs sa matière préférée. Après l’obtention de son diplôme du secondaire, elle souhaite d’ailleurs  étudier au CEGEP en communications et se spécialiser dans les médias sociaux. Comme deuxième option, elle envisage aussi le travail social.

Elle sera prochainement conférencière au Cégep du Vieux Montréal dans un cours d’éducation spécialisée et représente souvent la Société pour les Enfants Handicapés dans des activités de levée de fonds.

Je l’avais croisée quelques fois dans la rue sur son fauteuil motorisé, lorsqu’elle sortait avec son accompagnatrice préférée et amie, Venyse. Elle se rend assez régulièrement au Petit Flore, un restaurant de la rue Fleury qui lui est facilement accessible, car il n’y a pas de marche à l’entrée. Elle y fait préalablement une réservation et Stéphanie, la patronne, qui l’a toujours bien reçue, lui fait préparer une table apte à l’accommoder.

Elle serait un peu craintive de se promener seule, vue l’état des chaussées et les dénivellations des trottoirs. Par contre, dans la mesure où il y a une station de métro avec un ascenseur dans les environs, Julie se promène un peu partout en ville lorsqu’elle en a l’occasion et qu’elle est accompagnée. Elle préfère les transports en commun aux transports adaptés, car elle s’y trouve plus en contrôle de ses horaires.  Elle a ainsi pu voir les feux d’artifice, visiter la Place Émilie Gamelin et comme toute jeune femme, certaines terrasses.

Plus jeune, elle a étudié à l’École Joseph-Charbonneau, qui accueille des jeunes avec des difficultés motrices sérieuses. Certains d’entre eux ont aussi des déficiences intellectuelles importantes. Alors qu’elle y était étudiante, elle a eu la possibilité de faire de la natation à la piscine de son école grâce à un programme d’Espace Multi-Soleil. Comme elle ne peut se mouvoir qu’avec ses bras, il lui faut de l’aide pour se maintenir à flot. C’est sur le dos qu’elle est le plus à l’aise dans l’eau. Elle m’a expliqué qu’à mesure qu’elle vieillirait, ses mouvements deviendraient plus difficiles. Pour le moment, elle suit des cours de Pilates à la maison. Elle partage la même professeure de M Studio Pilates sur la rue Fleury que sa mère, mais celle-ci adapte un programme aux capacités de Julie.

C’est à l’époque où elle était étudiante à Joseph-Charbonneau qu’elle a fait son plus grand voyage. Accompagnée de son père, elle s’est rendue en Bretagne avec son groupe scolaire. Ils y ont été reçus par des élèves d’une école de la région de Lorient et ont séjourné ensemble dans un camp de vacances à Concarneau.

À cette école, de même qu’au Centre Champagnat, les étudiants viennent de tout le Grand Montréal et même d’aussi loin que St-Jean-sur-Richelieu. Cela fait en sorte que la plupart de ses amis habitent en dehors du quartier. Malgré son handicap, elle a une bonne dextérité et peut taper sur un clavier d’ordinateur pour communiquer avec eux. Je lui ai dit à la blague qu’elle a probablement fait moins de fautes de frappe que moi dans sa vie. En fait, c’est fort probable. Vive les correcteurs de texte!

Elle apprécie beaucoup Ahuntsic où elle vit depuis son enfance, car elle s’y sent relativement autonome. Avec son fauteuil, elle a assez d’autonomie pour faire une balade jusqu’à la rivière. Il se peut donc qu’un jour vous la croisiez dans un parc ou sur la rue Fleury. S’il vous arrive de la rencontrer, prenez le temps de lui dire bonjour. C’est une fille bien sympathique, tout comme ses parents d’ailleurs!

Julie

Félix M.

J’ai rencontré Félix dans le Parc Gouin, l’espace vert qui longe la rivière derrière l’École Sophie-Barat, où il venait tout juste de compléter son secondaire. Il y travaillait pour l’été au site de l’Association Récréoculturelle Ahunstic Cartierville (ARAC). Je lui ai parlé alors qu’il s’affairait à l’entretien des kayaks en location. C’est un jeune homme actif qui aime les sports de plein air comme la descente de rivière en canot et le camping d’hiver, qu’il a pratiqués dans la région du Lac St-Jean. J’ai spontanément pensé que sa famille devait avoir une résidence secondaire près d’un lac où il aurait développé cette passion, mais ce n’est pas le cas.

Dans le quartier, il joue au tennis dans ses moments libres. C’est ainsi que j’ai appris que nous avons une connaissance commune, un autre Félix qui enseigne l’été ce sport au Parc Nicolas-Viel.

Alors que je publierai cette photo prise en juillet, Félix aura entrepris ses études à Gaspé au CÉGEP de la Gaspésie et des Îles dans le programme Tourisme Aventure afin de venir guide de plein air. Étonnant pour un jeune homme qui est né et a vécu jusqu’à ce jour en ville dans le district Sault-au-Récollet!  Mais cela s’explique du fait que Félix avait choisi, pour ses cours d’éducation physique, l’option plein air où, vous le devinez, la plupart des activités se déroulent à l’extérieur. Voyant son intérêt naturel pour ces activités, c’est un enseignant de l’école qui lui a parlé de ce programme pour lequel il semble manifestement avoir le bon profil. Bien qu’il ne sache pas ce qui l’attend comme travail lorsqu’il aura son diplôme en main, il m’a dit avec aplomb être confiant d’avoir fait le bon choix.

À bien y penser, quoi de plus naturel qu’un insulaire ayant résidé toute sa vie sur une île pour initier les néophytes aux activités aquatiques? Après tout, Montréal est une île dans un grand fleuve qui rejoint la mer.

Félix sur le site estival de location de kayaks de l'ARAC, au bord de la rivière, derrière l'école Sophie-Barat

Mario M.

J’ai rencontré Mario pour la première fois lors du vernissage de son exposition « Des années cinquante à nos jours » à la Maison de la Culture Ahuntsic-Cartierville. Nous nous y sommes recroisés la semaine suivante, ce qui m’a permis de prendre quelques photos de lui devant ses œuvres et avec le personnel de la Maison.

Mario est un artiste visuel qui poursuit activement, à plus de 80 ans, une longue et fructueuse carrière. Fils d’un père italien et d’une mère québécoise, il est né dans Villeray, mais a grandi rue De Lille dans le Sault-au-Récollet. Il habite depuis plus de 40 ans dans une magnifique maison d’Ahuntsic dont le parement de bois rappelle certains de ses tableaux en relief, notamment «Arabesque», qui apparait à sa gauche sur la photo ci-dessous.

Il est intéressant de l’entendre raconter, dans la vidéo qui accompagne l’exposition, l’influence qu’ont eues les œuvres d’art et l’ornementation de l’église de La Visitation sur son évolution créative dans sa jeunesse. Il y décrit aussi un paysage aujourd’hui disparu. Au sud de la rue Fleury, il subsistait autour de De Lille jusqu’aux années quarante des terres agricoles sur des côtes et des ruisseaux. Cette zone a depuis été comblée et nivelée pour devenir un quartier résidentiel traversé par les rues Sauriol et Sauvé.

Fils de musiciens, il a initialement tenté de mener de front des études en musique et en art. Il a finalement choisi l’École des Beaux-Arts. Il a ensuite travaillé dans les ateliers de scénographie de Radio-Canada, qui en était alors à ses premières années d’existence.

C’est toutefois un concours national qui a vraiment lancé sa carrière. Il a été désigné lauréat pour réaliser une grande murale destinée au pavillon du Canada à l’exposition universelle de Bruxelles en 1957. L’œuvre a été conçue dans l’ancien atelier d’Alfred Liberté, rue Ste-Famille.

Fort de la notoriété obtenue par cette réalisation, il a fait la tournée des firmes d’architectures réalisant de grands immeubles publics et corporatifs. Il y offrait personnellement ses services pour créer des œuvres intégrés à l’architecture. Sa contribution à ce titre au cours des années soixante et soixante-dix est importante. Ses réalisations vont des reliefs monochromes aux céramiques multicolores, en passant par de grandes verrières dans une station de métro. Elles sont  toutes admirablement bien intégrées et adaptées à leurs immeubles de destination. Selon le caractère de l’endroit, elles combinent parfois des matériaux de construction à des matériaux plus nobles.

À la fin de cette période, Mario s’est tourné plus activement vers la sculpture. Il a exposé lors de symposiums et des Biennales à l’étranger. Il a même été invité à participer à l’exposition « Le Padiglione d’Italia nel mondo » qui présentait une sélection d’œuvres d’artistes de la diaspora italienne dans le cadre de la 54e Biennale de Venise en 2011.

Parallèlement à sa production, il a mené une carrière d’enseignant, entre autres à l’UQAM. Il y a régulièrement enseigné le dessin, qu’il considère d’ailleurs comme étant à la base de toutes ses œuvres.

Depuis vingt ans, il pratique surtout la peinture. Ses œuvres picturales récentes occupent d’ailleurs une bonne partie de l’exposition. Pour mieux connaitre ses réalisations, je vous invite à passer voir l’exposition en cours jusqu’au 17 octobre et à prendre le temps de regarder la vidéo. Vous pouvez aussi cliquer sur le lien sous la photo.

Mario entre Arabesque, à gauche, et Sable, à droite