Marie-Christine P.-M.

C’est à la Place de l’engagement que j’ai pour la première fois croisé Marie-Christine P.-M. Étant coordonnatrice à la mobilisation des 55 ans et plus au Centre d’action bénévole de Montréal-Nord (CABMN), elle m’a suggéré d’assister la semaine suivante aux activités entourant la Marche citoyenne 2015, dont le thème cette année était la mobilité et les déplacements sécuritaires des ainés à Montréal-Nord.

Le jeudi suivant, bien que je n’aie pas eu la possibilité d’assister aux ateliers en début d’après-midi, j’ai rattrapé le groupe alors qu’il était rendu à la porte de la Mairie d’Arrondissement pour présenter ses revendications. Dans une atmosphère joyeuse, les participants ont écouté quelques discours et chanté des chansons de circonstance avec trois dames très colorées du groupe les Mémés déchainées. Vous pouvez voir quelques photos de cet événement en cliquant sur le lien à la fin de l’article.

De nouveau, j’ai seulement échangé quelques mots avec Marie-Christine, qui avait un horaire très chargé ces jours-là. Avec le Service d’accompagnement aux nouveaux arrivants (SANA), elle aidait notamment à la préparation d’une activité de ciné-causerie avec projection du film Félix et Moira en présence du réalisateur dans les locaux du CABMN. Elle contribuait aussi à l’organisation d’un atelier-débat électoral avec les candidats locaux aux élections fédérales aux Habitations les Boulevards.

Ce n’est que la semaine suivante qu’elle a pu m’accorder un peu de temps.

Marie-Christine est originaire de Saint-Nicolas, municipalité aujourd’hui devenue un quartier de la ville de Lévis, en face de Québec. Elle a entamé ses études au Cégep Lévis-Lauzon en Arts plastiques et médiatiques, mais s’est cependant réorientée vers les sciences humaines. Elle a complété un Bac en Animation et recherche culturelles à l’UQAM.

C’est de retour à Lévis qu’elle a fait ses premières expériences professionnelles en évènementiel comme chargée de projet à la Corporation de développement du Vieux-Lévis. À ce titre, elle a passé une année à préparer des événements intergénérationnels, dont une grande journée avec des courses de boites à savon, une compétition de planches à roulettes, une exposition de voitures anciennes et un spectacle avec des artistes locaux. Elle a apprécié pouvoir y mettre sa créativité à contribution. Les revenus de ce travail étant cependant modestes, elle travaillait parallèlement à la SAQ à temps partiel. Elle a d’ailleurs conservé cet emploi pendant quelques années, en plus de travailler comme serveuse dans des bars et restaurants.

Sentant le besoin de se ressourcer, elle a fait avec son copain de l’époque la marche vers Compostelle en suivant le Camino del norte, une voie au nord du parcours usuel, plus abrupte et moins fréquentée. Elle m’a raconté que la marche n’était pas épuisante en soi, mais que le manque de sommeil dû aux ronflements des autres marcheurs dans les dortoirs pouvait gruger son énergie.

Aimant voyager, elle a aussi fait un stage à Vancouver et y a travaillé quelque temps pour parfaire son anglais.

C’est un emploi d’agente de communication à Développement économique LaSalle qui l’a ramenée à Montréal afin d’assurer la tenue du Concours québécois en entrepreneuriat au niveau local. Une augmentation importante de la participation à ce concours, cette année-là, lui aura donné du fil à retordre.

Marie-Christine a ensuite entrepris un Diplôme d'études supérieures spécialisées en Gestion à HEC Montréal. Elle aime la dynamique et la psychologie de groupe, la gestion de projet, ainsi que les possibilités créatives qui permettent de mener à bien les idées mises en commun. Elle croit qu’il n’y a pas de limites à ce qu’on peut accomplir ensemble.

Elle s’est jointe au Centre d’action bénévole comme agente à la mobilisation des 55 ans et plus. Le CABMN est actif à Montréal-Nord depuis 30 ans. Il met en liaison des gens qui souhaitent contribuer à l’amélioration de leur milieu de vie, par le bénévolat, avec les organismes qui ont recours à leur service. Il vise aussi à favoriser le rapprochement social et l’intégration des nouveaux arrivants, à soutenir la mobilisation citoyenne et à offrir des services à la population par l’action et l’engagement de ses bénévoles.

Sa première tâche a été de constituer un noyau d’ainés. Ces précurseurs ont ensuite permis de consolider et d’élargir le regroupement. Cela permet maintenant à Marie-Christine d’agir en tant que coordonnatrice à la mobilisation.

Malgré son jeune âge, elle se sent bien avec les personnes âgées et souhaite continuer œuvrer à leur côté. Elle m’a d’ailleurs parlé d’une dame centenaire encore alerte rencontrée récemment, mais aussi du décès d’un membre du premier noyau qui a été un évènement tristement marquant pour le groupe. Des activités de partage et de soutien ont été organisées pour mieux vivre ce deuil.

Cela a poussé Marie-Christine à une réflexion sur la mort. J’ai d’ailleurs senti chez elle une activité spirituelle. Elle pratique d’ailleurs par elle-même la méditation.

Lors d’un voyage récent, elle a visité l’Écosse où elle a encore beaucoup marché et vu de magnifiques paysages. Elle rêve de faire un jour un long voyage autour du monde.

Marie-Christine à la Place de l'engagement

Michael B.

Par un vendredi pluvieux d’octobre, je me suis rendu chez Blume sur la Promenade Fleury. La veille, jour de notre anniversaire de mariage, j’y avais acheté un bouquet pour mon épouse. J’avais causé un peu avec la fleuriste le temps qu’elle le prépare.

J’espérais qu’elle se montre disposée à reprendre la conversation et à se faire photographier pour QuartiersNord.photos. Arrivé à la porte, je suis tombé sur une petite note « de retour dans cinq minutes ». J’ai donc flâné aux alentours.

C’était le lendemain du début de la saison de hockey. Il pleuvait. Curieusement, dans la grisaille automnale, le drapeau du Canadien en façade du Tablier Rougeressortait plus vivement que par les jours ensoleillés. Par beau temps, il se perd dans l’ombre du portique. J’ai donc sorti mon appareil pour faire une photo de circonstance.

Au moment où je pointais l’objectif vers la façade du commerce, un monsieur en costume de cuisinier y entrait. Quelques secondes plus tard, un jeune homme en sortait pour me demander pourquoi je prenais une photo. J’ai commencé par lui expliquer que je n’avais pas de but plus précis que de capter la lumière du moment. Par contre, puisque nous avions entamé une conversation, je lui ai demandé s’il serait disposé à se faire prendre en photo et à répondre à quelques questions. Ainsi sont faites les rencontres dues au hasard.

Ce jeune homme, que vous voyez sur la photo avec son tablier rouge, st Michael B.. À ses côtés se trouve Renato P., chef chez La Molisana, un restaurant de l’autre côté de la rue. Michael a un peu grandi dans cet établissement fondé il y plus de trente ans par un oncle et aujourd’hui dirigé par son père.

Dans sa jeunesse, il a fréquenté l’école Our Lady of Pompei, sur le boulevard St-Michel au nord de Sauvé. Il a beaucoup joué au soccer dans les ligues du nord de la ville. Avec un bagage familial comme le sien, il était tout naturel qu’il étudie à l’Institut de Tourisme et d’Hôtellerie du Québec (ITHQ). Il y a suivi le programme Formation supérieure en cuisine. Par la suite, il a voyagé en Europe. Il a étudié au Château de Codignat en France auprès d’un chef possédant deux Étoiles Michelin, ainsi que dans Les Pouilles, en Italie.

Le Tablier Rouge est ouvert depuis le printemps de 2014 dans un local où il y avait auparavant une boucherie. Aujourd’hui, on y prépare encore la viande et la charcuterie est faite maison. Mais l’entreprise évolue et développe sa personnalité tranquillement. On y fait maintenant d’autres plats cuisinés avec des ingrédients frais locaux : sauces, pesto, soupes, etc. 

Michael semble particulièrement à l’aise derrière le comptoir. On l’imagine facilement en patron de café participant aux conversations des clients. J’y étais entré un peu avant l’affluence du midi, et m’étais installé au comptoir pour prendre un expresso bien serré. J’ai rapidement été rejoint par d’autres clients avec qui j’ai fait un brin de causette. Mis en appétit par l’assiette du voisin, j’y ai finalement moi aussi dégusté un burger de luxe avec frites maison.

Les écrans de télé diffusaient la seconde partie d’après-saison des Blue-Jays de Toronto. Nous avons vu les joueurs des Jays entamer la première manche comme s’ils voulaient en terminer avec le baseball au plus sacrant! Ils ont d’ailleurs perdu ce match, mais se sont depuis repris et se préparent, au moment où je publie ces lignes, à disputer le second match de la série finale de la Ligue Américaine de Baseball, dernière étape avant les séries mondiales.

Les soirées de partie de hockey avec la bière de micro-brasserie et les burgers à prix spéciaux sont populaires au Tablier Rouge. Je ne peux que souhaiter à Michael que la saison de Hockey des Glorieux soit passionnante. Il faut dire qu’ils sont bien partis avec cinq victoires d’affilée!

Avec tout ça, pas de fleuriste ce jour-là.

Michael dans son établissement

Michael dans son établissement

Daniel L.

C’est Mathilde-Hasnae* qui m’a été présenté Daniel au début de ma rencontre avec elle un lundi, en fin d’après-midi, à l’Accorderie de Montréal-Nord. Alors que je causais avec Mathilde, Daniel lisait quelques documents près de nous à la grande table de la pièce qui sert à la fois de salle de réunion et de salle à manger. Comme il ne semblait pas totalement indifférent à notre conversation, elle a inévitablement fini par l’y inclure un peu. Lorsqu’est venu le temps de faire quelques photos, je lui ai donc suggéré de se joindre à nous dans le jardin collectif de l’Îlot Pelletier.

C’est ainsi que de fil en aiguille, notre conversation s’est poursuivie après le départ de Mathilde pour se terminer, à la tombée du soir, devant l’entrée d’un des immeubles où il vit dans cet ensemble résidentiel mis sur pied par la Société d’Habitation Populaire de l’est de Montréal. Ce projet est situé dans un secteur de Montréal-Nord qui évolue positivement depuis quelques années, après avoir longtemps été perturbé par la présence des gangs criminalisés.

Daniel a grandi dans les environs. Ses parents se sont installés dans le quartier à une époque où il y avait encore des champs à quelques rues de leur demeure.

Il a travaillé 31 ans comme opérateur de machines numériques dans une usine de produits métalliques dans la partie est de l’arrondissement. Il a cependant perdu son emploi il y a trois ans, à la suite d’une grave dépression. Vu ses années de services, il a touché une modeste allocation de départ. Pour cette raison, lorsqu’il a été admis comme locataire célibataire, il payait le loyer maximum prévu pour un 1 ½. Pendant de longs mois, il s’est emmuré seul, ne fréquentant pratiquement que le médecin et la travailleuse sociale du CLSC.

C’est un peu beaucoup cette dernière qui l’a poussé, à la fois pour briser son isolement et pour des raisons de santé, à rencontrer les gens des organisations populaires qui ont leurs locaux dans l’Îlot ou ailleurs dans le quartier. Il a tout d’abord côtoyé les gens de Paroles d’excluEs, un organisme de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale et fait du bénévolat avec le Centre d’action bénévole. Aujourd’hui, il participe surtout à L’Accorderie, un organisme d’échange de services entre individus. Il m’a d’ailleurs fièrement montré au mur de la salle des photos où il figurait avec d’autres convives lors d’un grand diner communautaire tenu récemment à l’École secondaire Calixa-Lavallée.  Au menu de ce repas préparé par les membres de L’Accorderie: des pâtes avec une sauce végétarienne, ce qui convenait à tous les régimes, incluant ceux qui mangent halal.

Comme il a passé la mi-cinquantaine et que les prestations d’Assurance-emploi se sont taries sans qu’il ne retrouve d’emploi, il craint de ne pas avoir la confiance, ni le moral et la santé nécessaires pour pouvoir se faire une place sur le marché du travail. Maintenant dépendant du maigre budgetaccordé par l’aide sociale, il suit avec intérêt les démarches du Comité de suivi en sécurité alimentaire.

Un des services de L’Accorderie est d’ailleurs un groupe d’achat de produits alimentaires. Les ressources des membres sont mises en commun afin d’obtenir des denrées à meilleur prix.

Daniel a aussi participé cet été au jardin collectif de l’îlot Pelletier, dont les récoltes sont partagées équitablement entre le groupe d’achats et les jardiniers bénévoles. En ce début d’octobre, le jardin était encore productif.

Avant qu’on ne se quitte, il m’a dit qu’il espérait se qualifier pour un programme de logement subventionné. Cela lui permettrait de déménager dans un 3 ½. Il disposerait alors d’un balcon assez grand pour y loger un vélo. Il aura cependant beaucoup de paperasse à remplir avant d’y arriver.

http://quartiersnord.photos/blogue-fr/2015/10/13/mathilde-hasnae-m

Daniel, la nuit tombée, devant le portique d'un immeuble de L'Îlôt Pelletier

Mathilde-Hasnae M.

En passant sur Henri-Bourassa vers l’est, j’avais vu du coin de l’œil dans le parc Pilon des structures aux charpentes vides. Leurs toitures étaient partiellement recouvertes de ce qui m’a paru être de la tôle récupérée de vieilles granges. À mon retour, je suis passé par le parc. J’y ai lu une affiche annonçant pour trois samedi « le Marché du nord ».

Le samedi suivant, un petit marché était effectivement abrité par ces constructions éphémères. Il s’agit d’une première expérience qui devrait être renouvelée.

Il y avait aussi sur le même terrain sous de modestes chapiteaux de toiles une activité parallèle. Curieux de savoir de quoi il s’agissait, j’ai approché deux dames au kiosque de l’Accorderie de Montréal-Nord, Mathilde-Hasnae et Isabelle. Elles m’ont expliqué qu’il s’agissait de la Place de l’engagement, un regroupement annuel d’organismes communautaires qui coopèrent entre eux dans Montréal-Nord. Cet évènement s’est joint au Marché du Nord cette année afin d’éviter une dispersion des visiteurs potentiels. Comme elles étaient sur place pour rejoindre les gens, j’ai seulement pris le temps de faire quelques photos. Nous avons convenu que je rencontrerais Mathilde un autre jour aux bureaux de l’Accorderie dans l’Îlot Pelletier.

C’est donc un lundi en fin d’après-midi que Mathilde m’a reçu. Elle m’a d’abord fait visiter les bureaux de l’Accorderie et le local de son groupe d’achat alimentaire, puis le jardin collectif de l’ensemble résidentiel Îlot Pelletier.

Elle est née d’un père marocain et d’une mère française à Libourne, dans le sud-ouest de la France, près de Bordeaux. Elle a d’abord fait un bac en Géographie à Bordeaux, avec un stage à Plymouth dans le sud de l’Angleterre. En suivant ce programme, elle a constaté que c’était les questions de développement communautaire et de coopération internationale qui l’intéressaient le plus. Elle a donc fait à Paris une Maitrise en Développement local. Dans le cadre de ses études, elle a fait un stage au Maroc avec un organisme qui visant à favoriser la scolarisation des filles dans leur milieu, en trouvant les ressources pour contribuer à la construction des écoles où l’enseignement serait dispensé par des professeurs locaux.

C’est pour rejoindre son chum de l’époque, déjà arrivé à Montréal pour y faire ses études, qu’elle est arrivée ici il y a trois ans. C’est un peu aussi parce qu’elle constatait que ses amis et collègues d’études en France ne trouvaient dans le secteur communautaire que des boulots précaires. Arrivée ici avec un permis vacances-travail d’un an, elle a tout d’abord fait un stage de 5 mois à l’Union Française, où elle organisait des activités culturelles pour les nouveaux arrivants. Par la suite, elle a déniché son poste actuel d’animatrice à l’Accorderie, qui est tout à fait dans son champ de compétence. De programme en programme, il lui a été possible de continuer ses démarches d’immigration à partir de Montréal.

Même si, comme tous les immigrants, elle a par moments le mal du pays, elle croit être au Québec pour y rester. Elle aime bien les rapports entre les gens ici. Arrivée à Montréal en janvier, ce n’est pas l’hiver qui lui fait peur. Il faut dire que la neige est pour bien des gens plus agréable que la grisaille sombre et humide de Paris en janvier. Elle s’est d’ailleurs mise au ski de fond et à la raquette. Ce qu’elle aime moins du Québec, c’est l’esprit trop consensuel qui y règne, rendant difficile toute contestation. Elle trouve aussi inadmissibles les difficultés auxquelles il faut faire face ici pour rencontrer un médecin. Difficile de contester qu’il y a un problème majeur de ce côté.

Musicienne de cœur, elle a joué du saxophone plusieurs années et aime la musique soul. Aujourd’hui, elle participe avec enthousiasme à une chorale dans Villeray, « La clique vocale ». Cette chorale venait d’ailleurs tout récemment de chanter au souper-spectacle-bénéfice pour l’Accorderie de MontréalMercier-Hochelaga Maisonneuve.

À l’Accorderie, elle partage son temps entre Montréal-Nord et Hochelaga. Cet organisme vise à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Il met en place un réseau d’échange entre individus qui utilisent le temps comme valeur d’échange. Elle-même participante, Mathilde peut, par exemple, faire une heure de ménage chez une dame qui lui offrira en retour une heure de cours de chant. Les échanges ne sont pas nécessairement bilatéraux. Le système de pointage lui permettrait en effet de faire le ménage chez une autre personne, mais d’utiliser ses heures chez la prof de chant.

Parmi les activités de l’Accorderie, il y aussi des échanges collectifs, par exemple des groupes d’achat de produits alimentaires. Dans Hochelaga, il y a un programme de prêt d’ordinateurs portables.

Mathilde-Hasnae dans le jardin communautaire de l'Îlot Pelletier à Montréal-Nord