Jean-Pierre G. & Thérèse M.

Certaines de mes rencontres de cet été ont été fort brèves et quelque peu fébriles, celle où Ginette me fait ses yeux de Têtes-à-claques par exemple. D’autres rencontres ont pris plus de temps et ont demandé de se revoir. Elles ont généralement donné des conversations plus approfondies. Ce fut le cas avec Jean-Pierre et Thérèse.

Je les ai d’abord croisés brièvement à la Place de l’engagement au Parc Pilon de Montréal-Nord. Nous avons repris contact quelques semaines plus tard et, à leur invitation, j’ai assisté au déjeuner mensuel de la section Montréal-Nord de l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées (AQDR-MN). Non seulement un bon nombre de retraités locaux assistait à cet événement, mais le maire, une conseillère municipale et l’adjointe d’une députée provinciale y sont passés pour serrer des mains. Le programme était chargé ce jour-là. Jean-Pierre, qui a déjà fait partie de l’exécutif, disposait de quelques minutes pour inviter les convives à une rencontre  « croissants/café » avec des gens de la compagnie théâtrale Dulcinée Langfelder. Dans le cadre de la tournée du spectacle Victoria, Mme Langfelder entend présenter sa démarche créative et encourager la participation aux ateliers sur l’Alzheimer et le rôle des aidants et intervenants.

Le couple s’est connu à St-Donat. Thérèse, native de Joliette, était alors membre de la communauté des Sœurs du Bon Pasteur d’Anger et travaillait à un camp d’été pour jeunes femmes en situation difficile. C’est lors d’une sortie du groupe qu’ils ont fait connaissance. À l’époque, Jean-Pierre, qui est originaire de Montréal, travaillait pour la compagnie d’assurance Les Prévoyants du Canada. Il y est demeuré 39 ans au fil des changements de propriétaires et de raisons sociales. A la suite de sa sortie des ordres et de la laïcisation des services sociaux au tournant des années soixante-dix, Thérèse a œuvré comme travailleuse sociale.

C’est leur foi commune qui les a tout d’abord amenés à faire du bénévolat au sein de la paroisse St-Rémi. Résidents de longue date de Montréal-Nord, ils y habitent une modeste demeure d’après-guerre construite à la fin des années quarante. Comme ils avaient à l’esprit l’entraide sociale, ils ont aussi participé au Mouvement des travailleurs chrétiens. Jean-Pierre, qui a la parole facile et ne craint pas de s’exprimer publiquement, a souvent pris les devants socialement. Les conjoints sont cependant demeurés solidaires dans tous leurs engagements.

Jean-Pierre a d’ailleurs un message pour les gens qui affirment qu’ils feront du bénévolat à leur retraite : commencez jeunes! Ce type d’activité demande une certaine forme de culture qui s’acquiert avec la pratique. Tous les retraités n’auront pas cependant un horaire comme le leur : ils travaillent comme bénévoles pratiquement à temps plein depuis leurs retraites simultanées!

Un de leurs engagements importants est arrivé à la suite d’un appel de la directrice de Radio Ville-Marie, un organisme alors à ses débuts. Elle avait entendu parler de Jean-Pierre et de ses activités sociales. Cet appel l’a amené à animer trois séries d’émissions radiophoniques sur une période de trois ans : Foi en mouvement, Témoins et bâtisseurs ainsi que Les pas de la sagesse. Le couple consacrait ses semaines à la recherche, à la préparation, aux entrevues et à l’enregistrement des émissions. J’ai appris à ma grande surprise que ces émissions étaient préenregistrées avec l’aide d’un seul technicien dans un petit local du presbytère de l’église St-Benoit, rue Fleury Ouest. Cette église de style moderniste est connue depuis 2009 comme l’Église de Dieu de la Prophétie de Montréal Nord-Ouest.

Parmi les belles rencontres faites dans le cadre de ses activités bénévoles, Jean-Pierre retient celles avec Yves Lapierre du Mouvement des travailleurs et avec Claude Émond, qui fut pendant 27 ans l’accompagnateur musical de Fernand Gignac et devint leur ami personnel. M. Émond est décédé en 2013.

Après cette période, ils ont fait la rencontre d’un jeune homme, François Boucher, qui militait pour l’environnement et trouvait inconcevable que Montréal-Nord soit un des rares arrondissements de Montréal à ne pas être doté d’un Éco-Quartier. Avec un groupe de 6 ou 7 personnes, Jean-Pierre et Thérèse ont donc fondé Éconord en 2009, un organisme à but non lucratif qui a, dans un premier temps, monté un programme et amassé les fonds nécessaires afin que des jeunes gens puissent obtenir des salaires pour s’occuper de projets environnementaux dans Montréal-Nord. C’est ainsi que cet OBNL initialement dirigé par Jean-Pierre est devenu mandataire de l’Éco Quartier local.  Ayant comme devise « l'environnement... une richesse qu'il faut protéger! », il avait pour mission d'améliorer la qualité de vie urbaine des Nord-Montréalais-es et de promouvoir une société écologique.

Le couple est toujours membre de cet organisme qui s’est transformé en coopérative de solidarité en 2014. Une bonne partie de ses activités courantes vise à améliorer l’accès à des légumes frais et sains, à des prix abordables pour des ménages à revenus modestes. Des marchés publics, des plantations de semis en mini-serre et la tenue d'un jardin collectif font partie des initiatives récentes des membres bénévoles d'Éconord.

En plus de tout cela, Jean-Pierre et Thérèse fréquentent régulièrement les activités de la maison Culturelle et Communautaire de Montréal-Nord et assistent à des spectacles dans les Maisons de la culture des arrondissements limitrophes.

Voilà des gens qui n’ont pas le temps de s’ennuyer!

Jean-Pierre et Thérèse à la Place de l'Engagement, au Parc Pilo de Montréal-Nord

Isabelle P.

La veille de l’Halloween, j’ai remarqué un imprimé fait maison collé sur le fut d’un lampadaire au coin de Fleury et St-Charles. L’affiche annonçait que les voisins de la ruelle St-Charles – Péloquin, entre Sauvé et Port-Royal, nous invitaient le lendemain à visiter la « Ruelle hantée ».

J’y suis donc passé un peu avant la tombée de la nuit et le défilé des petits et grands costumés, curieux de voir comment cette initiative, avait pris forme. Plusieurs résidants s’affairaient fébrilement aux derniers préparatifs des décors. J’ai approché quelques personnes pour en savoir plus et comme ce fut souvent le cas cet été, on m’a référé  à la personne qui avait spontanément assumé le leadership de l’évènement, soit Isabelle Payant.

J’ai alors pris quelques photos d’Isabelle avec son conjoint Stéphane, déguisé en boucher, et Marie-Noël dans le rôle de la gentille sorcière. C’est d’ailleurs elle qui avait fait la promotion de l’évènement et collé l’affiche que j’avais lue. Comme ils avaient fort à faire, je suis repassé plus tard voir comment se déroulait la soirée. C’était un franc succès : devant l’affluence des petits êtres costumés, plusieurs des parents avaient dû s’absenter pour refaire le plein de bonbons!

Isabelle et moi nous sommes revus le lundi suivant à la boutique-traiteur Le goût des autres, pas très loin rue Sauvé est, pour causer tranquillement. C’est ainsi que j’ai enrichi mon vocabulaire d’un terme qui m’était inconnu : castelier. Ce mot un peu suranné désigne un montreur de marionnettes. Isabelle est castelière. En fait, cette comédienne de formation est cofondatrice avec Stéphane, du Théâtre des Petites Âmes. Elle est directrice générale et artistique de cette compagnie de théâtre de marionnettes spécialisée dans les spectacles pour la petite enfance.

Isabelle a passé son enfance à Laval, puis son adolescence à Kanata en banlieue d’Ottawa. Elle a étudié au CÉGEP Lionel-Groulx en interprétation. Lors d’une année de pause dans ses études, elle a constaté que si le jeu théâtral n’était pas une nécessité absolue dans sa vie, elle souhaite le pratiquer, tant qu’elle pourra le faire dans le bonheur et  le plaisir. Cet esprit l’anime dans tout ce qu’elle fait. Comme elle expérimente dans chaque aspect de ses productions, elle a manifestement une grande curiosité et des intérêts diversifiés.

Après le CÉGEP, elle a joué dans la production « Le prince serpent » du théâtre Parminou qui pratique un théâtre populaire engagé. Cette pièce destinée au public des écoles secondaires vise la prévention de la prostitution juvénile. Elle a aussi collaboré à des productions du Théâtre de l’œil, où elle s’est familiarisée avec les arts de la marionnette.

Comme bien des artistes, les engagements étant irréguliers, c’est lors d’une période tranquille qu’elle a entamé le processus qui a mené à la création d’une première pièce, PEKKA, et à la fondation de la compagnie Le Théâtre des Petites Âmes. Stéphane, qui fait partie du projet depuis le début comme administrateur et régisseur, a longtemps été coordonateur pour l’Association Québecoise des marionnettistes. Les pièces de la compagnie sont conçues pour être jouées dans des contextes intimes devant un public n’excédant pas 75 enfants afin de préserver l’attention des tout-petits. Créée en 2008, PEKKA est jouée, encore aujourd’hui, par Isabelle et ses marionnettes.

Le Théâtre des Petites Âmes a présenté ses créations jusque dans l’Ouest canadien, aux Etats-Unis, en France, en Espagne et en République Tchèque, en français, en anglais et en espagnol (et exceptionnellement en tchèque!). Ayant une excellente réputation dans le milieu, la compagnie est une habituée des festivals, des centres culturels et des Maisons de la culture. Les tournées lui ont permis de se faire un bon réseau d’échange, ce qui a mené à la création de POMME, une création conjointe avec la Compagnie Garin Trousseboeuf, en coproduction avec Casteliers, Le Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières (France) et Le Théâtre de Laval (France). La pièce a été jouée aussi bien en France qu’au Québec.

Véritable touche-à-tout, Isabelle travaille à l’écriture, à la mise en scène, au jeu, aux décors et à la musique de ses spectacles. Pour la plus récente création, OGO, qui sera en tournée au début de 2016, trois comédiens marionnettistes sont sur scène, une première pour la compagnie.

Croyant sincèrement à l’importance de l’implication citoyenne et de la culture dans la vie communautaire, Isabelle et Stéphane ont aussi fait du Théâtre des Petites Âmes le parrain du premier Croque-livres de l’Arrondissement situé à l’Aréna Ahuntsic. Un autrea été ajouté depuis devant le 9762 Avenue St-Charles.

Vous entendrez certainement parler d’eux dans la communauté au cours des prochaines années. D’autant plus que la Ruelle hantée reviendra fort probablement l’an prochain.

Isabelle P.

Félix M.

J’ai rencontré Félix dans le Parc Gouin, l’espace vert qui longe la rivière derrière l’École Sophie-Barat, où il venait tout juste de compléter son secondaire. Il y travaillait pour l’été au site de l’Association Récréoculturelle Ahunstic Cartierville (ARAC). Je lui ai parlé alors qu’il s’affairait à l’entretien des kayaks en location. C’est un jeune homme actif qui aime les sports de plein air comme la descente de rivière en canot et le camping d’hiver, qu’il a pratiqués dans la région du Lac St-Jean. J’ai spontanément pensé que sa famille devait avoir une résidence secondaire près d’un lac où il aurait développé cette passion, mais ce n’est pas le cas.

Dans le quartier, il joue au tennis dans ses moments libres. C’est ainsi que j’ai appris que nous avons une connaissance commune, un autre Félix qui enseigne l’été ce sport au Parc Nicolas-Viel.

Alors que je publierai cette photo prise en juillet, Félix aura entrepris ses études à Gaspé au CÉGEP de la Gaspésie et des Îles dans le programme Tourisme Aventure afin de venir guide de plein air. Étonnant pour un jeune homme qui est né et a vécu jusqu’à ce jour en ville dans le district Sault-au-Récollet!  Mais cela s’explique du fait que Félix avait choisi, pour ses cours d’éducation physique, l’option plein air où, vous le devinez, la plupart des activités se déroulent à l’extérieur. Voyant son intérêt naturel pour ces activités, c’est un enseignant de l’école qui lui a parlé de ce programme pour lequel il semble manifestement avoir le bon profil. Bien qu’il ne sache pas ce qui l’attend comme travail lorsqu’il aura son diplôme en main, il m’a dit avec aplomb être confiant d’avoir fait le bon choix.

À bien y penser, quoi de plus naturel qu’un insulaire ayant résidé toute sa vie sur une île pour initier les néophytes aux activités aquatiques? Après tout, Montréal est une île dans un grand fleuve qui rejoint la mer.

Félix sur le site estival de location de kayaks de l'ARAC, au bord de la rivière, derrière l'école Sophie-Barat

Élyse R.

Fer et Titane est le titre d’un une chanson de Gilles Vigneault, qui a d’ailleurs écrit bien d’autres choses que le refrain de Gens du pays. C’est aussi la raison sociale d’origine d’un important pollueur industriel qui exploite un immense complexe métallurgique à Sorel, une des villes les plus Heavy Metal du Québec.

Élyse serait originaire de cette ville. Ce qu’elle en sait, c’est qu’elle est née à l’hôpital de Notre-Dame de Sorel, mais a été adoptée par une famille de Verdun alors qu’elle n’avait que quelques jours. Avouez que c’est paradoxal pour une dame qui est aujourd’hui directrice générale de Ville en Vert, un organisme d’Ahuntsic-Cartierville qui réalise des projets en agriculture et en biodiversité urbaines, en saine alimentation, en mobilité durable et en gestion des matières résiduelles!

Les gens que je vous ai présentés m’étaient généralement inconnus avant que je ne les croise au cours de l’été, mais le cas d’Élyse est un peu différent. Nous nous étions rencontrés l’année dernière chez des amis communs qui tenaient un grand barbecue estival en voie de devenir un rituel annuel. Comme nous habitons le même quartier, je la vois aussi à l’occasion passer à pied ou à vélo le matin avec ses enfants sur le chemin de l’école. Elle accorde d’ailleurs beaucoup d’importance à leur éducation.

C’est lors de l’inauguration de la Vitrine environnementale de Cartierville, le 28 septembre dernier, que nous avons repris contact. La photo de groupe avec ses collègues de Ville en vert a été prise à cette occasion.

Élyse a habité dans différents quartiers de Montréal avant de s’installer dans l’arrondissement. Elle et sa petite famille ont même habité quelques années à Laval. Même s’ils vivaient à proximité d’une station de la ligne orange du métro, ces Montréalais dans l’âme ne s’y sentaient pas vraiment à leur place.

En raison du décès de son père alors qu’elle était jeune, les ressources de sa mère étaient modestes. Élyse a donc fait toutes ses études en travaillant une vingtaine d’heures par semaine. Elle a ainsi travaillé chez le glacier bien connu d’Outremont, Le Bilboquet, alors qu’elle  était collégienne et entamait ses études universitaires à l’UQAM en administration des affaires (marketing). Comme bien des gens aujourd’hui, elle a occupé plusieurs emplois avant d’arriver au début de la trentaine. Tout en complétant un MBA en Planification et Gestion stratégique à l’UQAM, elle a travaillé comme analyste junior dans des sociétés financières, chargée de cours, adjointe aux opérations et coordonnatrice au marketing dans des firmes de technologie. Ayant la fibre entrepreneuriale, elle a aussi agi comme consultante auprès de commerces de détail et de services.

C’est pendant qu’elle étudiait à la maitrise en environnement de l’Université de Sherbrooke qu’elle a commencé à travailler dans ce secteur dans notre arrondissement. À partir d’un petit bureau d’Éco-quartier dans Cartierville et d’un budget initial d’un salaire et demi, elle a progressivement monté un organisme qui emploie aujourd’hui une quinzaine de collaborateurs permanents et une dizaine d’autres personnes sur des bases temporaire. Faisant preuve d’initiative, cette petite équipe formée de jeunes gens bardés de diplômes multiplie les projets à portée environnementale et sociale. Passionnés par leurs projets, ces gens travaillent cependant dans des conditions précaires au gré des financements obtenus. Leurs efforts pour assurer la stabilité de cet organisme à but non lucratif sont toujours à recommencer. Quand je constate leur situation et celles des autres personnes œuvrant dans le secteur communautaire, je me dis qu’il y a quelque chose qui cloche dans nos priorités collectives!

Vous pouvez vous faire une idée de leurs qualifications et de la diversité de leurs projets en consultant le site web de Ville en vert, dont l’hyperlien apparait à la fin de l’article. Vous pouvez également faire l’achat de produits écoresponsables en visitant l’une de leurs deux éco-boutiques L’Escale verte, soit au 10416 rue Lajeunesse ou au 5765 Boulevard Gouin Ouest.

Élyse continue parallèlement à s’intéresser à d’autres questions de santé liées à l’environnement. Elle a participé au projet« Sabotage hormonal » du Réseau des femmes en environnement et continue à sensibiliser la population aux différents impacts qu’ont les perturbateurs endocriniens sur la santé et la reproduction de l’espèce humaine. Elle m’a d’ailleurs affirmé qu’avec tout ce qu’elle a vu et appris en environnement, elle accorderait beaucoup plus de place aux sciences dans son parcours académique si elle était adolescente aujourd’hui.

Citoyenne engagée dans son milieu, Élyse a aussi été vice-présidente, puis trésorière du Conseil régional de l'environnement de Montréal. Au terme de notre rencontre au bureau de Ville en Vert, elle se préparait de plus à assister à une réunion du conseil d’administration du Collège Ahuntsic, où elle siège comme administratrice. 

Élyse dans l'éco-boutique L'Escale verte, au 10416 Lajeunesse