Sébastien G.

Il y a des gens qui ne font que passer par un lieu, mais qui y laissent des traces tangibles, durables. Laissez-moi vous parler de ma rencontre avec Sébastien, le G du collectif d’art contemporain BGL. 

J’ai été bien impressionné par la maquette de l’œuvre d’Art public « La vélocité des lieux » du collectif lorsque je l’ai vue exposée dans le hall de la Maison Communautaire et culturelle de Montréal-Nord. Cet objet, intéressant par lui-même, annonçait un magnifique projet. J’ai donc entrepris de documenter périodiquement sa construction au cours de l’été 2015. C’est en me rendant faire de nouvelles photos par un mercredi torride que j’ai rencontré Sébastien. J’y ai vu, comme lors de visites précédentes, un groupe de personnes qui s’activaient à la construction de l’œuvre. Il y avait aussi cette fois-ci une petite équipe de vidéastes. Je me suis dit que les artistes devaient y être. Je me suis approché et on m’a confirmé que c’était bien le cas. Ses deux collègues, Jasmin et Nicolas, étant grimpés dans une nacelle, c’est Sébastien qui m’a gentiment accordé quelques minutes.  

En juin 2012, le trio, qui est bien connu sur la scène artistique nationale, reçoit, comme près de 200 artistes, une invitation du Bureau d’art public de la Ville de Montréal à participer au concours pancanadien pour l’intégration d’une œuvre d’art public au carrefour Henri-Bourassa–Pie-IX. Au mois d’octobre de cette même année, ils reçoivent la confirmation que leur proposition est l’une des cinq retenues pour la seconde phase de sélection. À ce stade, une première ébauche du projet est littéralement taillée à l’exacto dans le carton. En février 2013, trois finalistes sont retenus et se voient accorder un montant pour la réalisation d’une maquette. Celle de BGL, très précise, est élaborée à l’ordinateur et offre un rendu réaliste des matériaux. Ce sont les membres de BGL qui sont finalement proclamés lauréats du concours. 

Comme leur nom est bien en vue dans le milieu et qu’ils sont bien représentés dans les grandes collections d’art visuels, je croyais, à tort, que le collectif avait remporté sa part de concours publics. Sébastien m’a confié qu’au contraire, après de nombreux échecs, ils s’étaient pratiquement retirés de ce type d’activités vu le temps et les ressources investies pour de maigres résultats.  

C’est Nicolas, le seul membre de BGL basé à Montréal, qui suit au jour le jour les progrès de l’installation. BGL est tout de même bien entouré pour concrétiser ce projet. Le collectif est appuyé par Boris Dempsey pour laconception technique et la production de l’œuvre. C’est d’ailleurs lui qui a suggéré l’entrepreneur qui mène à bien cette installation qui requiert de la machinerie lourde. Au final, bien des gens auront contribué à ce projet qui aura aussi demandé une bonne coopération avec les professionnels de l’Arrondissement, de la ville Centre et du MTQ. Sur le budget assez substantiel commandé par la nature du projet, il en restera bien moins aux artistes que ce que les commentaires populistes du Journal de Montréal ont pu le laisser entendre. 

L’œuvre sera inaugurée le 19 septembre. J’ai la conviction qu’elle deviendra un point de repaire culturel et géographique fort et durable de Montréal-Nord.

Sébastien sur le site de "La vélocité des lieux"

Abdel B.

Cet homme qui fait griller des saucisses un peu à l’écart de la table à pique-nique pour ne pas enfumer ses convives se nomme Abdel. Il ne souhaitait pas se faire photographier, mais était disposé à faire un brin de causette avec moi. Un blogue photo étant un peu tristounet sans cliché, nous avons donc trouvé un terrain d’entente qui se traduit par cette pose de dos.

C’est en gardant un œil sur les grillades et en servant ses amis qu’il m’a accordé quelques instants. Il ne fallait surtout pas que le lunch brûle!

Abdel est né au Maroc, dans la région de Marrakech. Il est arrivé au Canada dans la vingtaine avancée avec une maitrise en droit. Arrivé ici avec un visa d’étudiant, il a poursuivi ses études le temps de régulariser sa demande d’immigration et de se rendre compte qu’il lui serait difficile de pratiquer ici. Son champ de compétence était le droit des affaires.

Il a donc travaillé en cuisine pendant plusieurs années dans des restaurants de tradition culinaire européenne. Ces emplois étant cependant assez difficiles pour la santé, il est graduellement revenu à ses intérêts originaux. Il conseille aujourd’hui des candidats à l’immigration.

Abdel aura bientôt passé la moitié de sa vie à Montréal. C’est sur cette île qu’il a rencontré son épouse, elle aussi d’origine Marocaine. Leurs enfants sont nés ici. Si, comme bien des nouveaux arrivants, il a initialement habité dans Côte-des-Neiges, la famille vit aujourd’hui dans St-Laurent, où réside également une bonne partie de la communauté nord-africaine. La possibilité de trouver du logement dans une coopérative d’habitation a aussi été un facteur important dans le choix de ce quartier.

C’est en mangeant un sandwich à la saucisse grillée gracieuseté d’Abdel que j’ai quitté le Parc Raimbault, où tourbillonnait la fumée des barbecues par ce beau dimanche de fin d’été.

Abdel B. au Parc Raimbault

Jean-François C.

En me rendant faire réparer mon vélo chez Cycles Fleury, j’avais glissé un mot au sujet de QuartiersNord au patron. Il en a discuté avec son personnel, puis m’a suggéré de m’adresser à Jean-François lorsque je repasserais à la boutique cueillir mon vélo. J-F et moi avons effectivement eu une bonne conversation à ce moment.

J-F est natif de Québec, mais a grandi en banlieue de Montréal. Il a vécu, entre autres, à Laval et à St-Eustache, avec un détour à Bruxelles où son père a travaillé pendant deux ans, puis à Gatineau. Il a entamé à Ottawa un cours de photo au tournant du millénaire, alors que le numérique n’avait pas encore supplanté l’argentique. Il a cependant abandonné en chemin en raison du cout du matériel. Il a fait un Diplôme d’études professionnelles en Cuisine d’établissement au Centre professionnel Relais de la Lièvre à Buckingham, puis travaillé dans la restauration en région et à Montréal. Ayant un peu trop fait la fête pendant son passage en restauration, il ne semble pas loin de considérer aujourd’hui ce milieu comme un lieu de perdition!

Il est arrivé dans Ahuntsic en 2005, un quartier dont il apprécie la quiétude. C’est vers 2008, en frappant à la porte de Cycle Fleury pour offrir des services photographiques, qu’il a connu l’ancien proprio. Celui-ci était à la recherche d’un employé et lorsqu’il vit que J-F se débrouillait bien en mécanique, il l’a immédiatement pris à son service. Il m’a dit que cet emploi avait contribué à le remettre sur le droit chemin, rien de moins. Cet emploi devient cependant progressivement un « sideline », selon ses mots. En 2011, il a effet entrepris un bac en enseignement, qu’il a terminé ce printemps. Il lui reste encore à se conformer à certaines formalités administratives afin de pouvoir passer de la suppléance à l’enseignement comme titulaire au secondaire. La spécialité à laquelle il se destine est le programme Univers social. C’est le jargon de l’heure pour Histoire, Géographie et Étude du monde contemporain. Tirant partie de son expérience antérieure, il a l'intention de travailler avec la photo et la BD pour mener à bien diverses situations d'apprentissage.

J-F a aussi eu l’opportunité de faire un stage au Bénin en Afrique, dans le cadre d’un programme de Jeunesse Canada Monde. Il m’a dit avec un mélange d’amusement et de fierté qu’on venait l’y écouter comme s’il était un spécialiste de la pédagogie.

Il conserve tout de même une passion pour le vélo. Le lundi suivant ma visite, un jour de congé pour lui, il se préparait à aller rouler. Il m’a aussi glissé un bon mot pour Julien, le nouveau proprio de Cycles Fleury depuis deux ans. Celui-ci a démocratisé l’offre de vélo de la boutique, ce qui permet à J-F de mieux conseiller les clients en fonction de leurs ressources personnelles.

Un poste d’enseignant à temps complet serait maintenant le bienvenu. Lui et sa compagne originaire de México, Rocio, sont parents d’une petite fille nommée Sophie. 

Jean-François sur le terrain de Cycles Fleury